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MARETS.

chius, grand cartésien, et professeur en théologie. On ne saurait assez louer notre des Marets de sa vigueur contre les enthousiastes et contre les annonciateurs de grandes révolutions. On a pu voir comment il poussa Coménius [a]. Il ne fit pas plus de quartier à Labadie ni au millénaire Sérarius. Les extraits que je donnerai du livre où il réfuta ce millénaire seront agréables aux gens de bon sens (I). Il fit beaucoup de tort aux jansénistes sans y penser (K), en déclarant que leurs opinions étaient les mêmes que celles des réformés. Sa réputation lui fit avoir une grande autorité jusques dans les pays étrangers : de sorte qu’un homme, qui avait composé en Allemagne un livre fort désobligeant contre lui, reçut ordre de le supprimer (L).

  1. Dans les remarques (F) et (G) de l’article Coménius, tom. V, pag. 264 et suiv.

(A) Sa jeunesse et sa petite taille. ] Il y a bien peu de personnes qui à l’âge de vingt ans n’aient la taille aussi grande que la nature la leur destiné. M. des Marests n’a pas été de ceux-là : il était un vrai Zachée à l’âge de vingt et un ans, et on ne l’appelait que le petit proposant. Mais il crût depuis jusqu’à sa vingt-cinquième année, et fut d’une taille bien raisonnable. Maresius qui cùm (Durantium) sibi maximè imitandum delegerat, nonnullas in ipsius œdibus habuit propositiones, quæ ipsi adeò placuêre, ut hic author fuerit operam suam ecclesiis offerendi ; à quo alias consilio ut abhorreret duo efficiebant, nempè et quòd ætate valdé juvenis esset ; et quòd staturâ et vultu majorem adhuc præ se ferret juventutem : Etsi enim nunc satis sit procerus, tamen ita parvus mansit usquè ad annum 21 suæ ætatis, quo demùm usquè ad 25 celerrimè crevit, ut vulgò parvi proponentis nominè designaretur [1]. Je remarquerai une autre chose assez singulière, et qui pourra consoler les pères et mères dont les enfans sont infirmes : ce n’est pas toujours une preuve que ces enfans ne parviendront pas jusqu’à la vieillesse, et qu’ils ne seront jamais robustes. Voici Samuel des Marests, qui était si faible dans son enfance, qu’il fallait le nourrir de lait et de beurre, et le laisser dans le lit plusieurs jours de suite, à cause que ses jambes ne le pouvaient soutenir. Il a pourtant vécu à peu près soixante et quatorze ans, et il a été si vigoureux, que les plus robustes auraient de la peine à résister aux fatigues et aux exercices à quoi il a résisté, sans être jamais malade. Lorsqu’il commença à se porter mal à Groningue, il y avait trente ans qu’il y exerçait une profession très-laborieuse, et qu’il publiait incessamment plusieurs livres [2]. Le latin que l’on va lire, donnera un plus grand détail des infirmités de son enfance. Infantiam habuit imbecillem et ita teneræ constitutionis, ut ferè lacte et butyro fuerit educandus ; puer carne elixâ vesci non poterat, nec jure, nec ullis oleribus : et semper occulti quâdam antipathiâ, poma, pyra, cerasa, fraga, et id genus, delicias puerorum, ita est adversatus, ut in hunc diem nihil ex illis queat degustare. Quamvis autem pueritiam haberet languidam et valetudinariam, ex quâ eum non fore vitalem augurabantur plurimi, sæpiùs ex oculis, aliisque fluxionibus laborans, aliquandò ex genuum debilitate per 15 dies affixus lecto ; undè metuebant parentes, eum si vir fieret, futurum podagricum, licet hùc usquè nihil tali Dei beneficio sit expertus ; non semel ex lapsu aliisque casibus puerilibus in præsens vitæ discrimen adductus ; tamen animo erat erecto, tenacis memoriæ, et ad studia tam proclivis, ut antè septennium exactum, non modò legere posset et litteras accuratè pingere, ac jam rudimentis linguæ latinæ operam daret, sed etiam bis universa Biblia à capite ad calcem evolvis-

  1. Effigies et Vitæ professorum Groning., pag. 138.
  2. J’ai lu cela dans son Oraison funèbre manuscrite.