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MARILLAC.

recusation [1] furent, par arrest prononcé par Olivier, declarées admissibles, et ordonné qu’il auroit conseil, ce qui luy avoit esté auparavant desnié, de sorte que le cardinal se trouva tout confus. L’advocat Marillac luy fut baillé, lequel mit toute peine de le faire desdire luy alleguant que sans cela il ne pourroit éviter la mort : ce que n’ayant peu faire, il l’amena à ceste necessité qu’il le laisseroit plaider sans l’interrompre, puis il diroit après ce que bon luy sembleroit. Estans donc venus devant les juges, l’advocat remonstra le merite de la cause, la maniere de l’emprisonnement non jamais pratiquée, et encores moins la façon de proceder de Bertrand, qui n’avoit eu aucune honte ne vergongne de jouer deux personnages ou trois, en presidant et assistant aux trois jugemens precedents. Enquoy non seulement apparoissoyent les causes d’abus tres evidentes, mais aussi la nullité des sentences et arrest, en sorte qu’il faloit necessairement recommencer tout le proces, casser et annuller toutes ces procedures, veu que nulle formalité de justice n’y avoit esté gardée. Mais au lieu de conclurre en son appel, il acquiesca, recourant à la misericorde du roy et de la cour : confessant sa partie avoir grievement offencé Dieu et sancte mere eglise, irrité le roy, et s’estre montré inobedient à son evesque, auquel et à la saincte eglise romaine il desiroit estre reconcilié. Surquoy du Bourg, qui estoit present, se voulant opposer, Marillac fit signe aux presidens, desirans lui sauver la vie par ce moyen ; lesquels au lieu de luy donner audience, et savoir s’il avouoit son advocat, le renvoyerent incontinent en sa prison. Mais pendant qu’ils avisoyent de deputer deux d’entre eux pour faire entendre sa conversion au roy, et luy demander sa grace, voici arriver un bulletin escrit et signé de du Bourg, par lequel il desavouoit les conclusions de son advocat, persistant en ses causes d’appel, et en sa confession de foy faite devant le roy. »

On voit dans un dialogue d’Antoine Loisel, que les principaux avocats du parlement de Paris [2] étaient maîtres Jacques Canaye, Parisien ; Claude Mangot, Loudunois ; et François de Marillac, Auvergnat, duquel on faisait plus d’estime que des deux autres, en ce qu’il était fort en la réplique ; mais il fut ravi au milieu de son âge : de sorte que sa maison a été réduite à néant, au moins au prix de celle de Canaye et de Mangot. Notez qu’il était de même famille que les autres Marillacs [3].

(D) Il n’y a point de différence entre cet avocat et ce conseiller. ] Rapportons ce que l’on a dit de lui dans ce dialogue d’Antoine Loisel : « [4] Vous ne devriez pas pourtant avoir passé sous silence M. Charles de Marillac ; car il avait acquis autant d’honneur en peu de temps qu’il fut au barreau que d’autres qui y ont été toute leur vie. Il est vrai, répondit M. Pasquier ; c’était un des plus forts et abondans en bon sens et en savoir qui y fût lors ; mais vous savez le temps où nous sommes, et le peu de compte que l’on fait des avocats au prix des conseillers, comme l’on s’en est plaint au commencement, et non sans cause. En effet, ses parens ne lui donnèrent pas le loisir de faire montre de sa suffisance, ni de la force de son esprit en l’état d’avocat ; ni la mort, de ce qu’il promettait en son office de conseiller [* 1] ; car il fut ravi en la fleur de son âge [* 2] ; j’en dirais davantage s’il n’eût point été ma nourriture. »

(E) Le véritable nom de cette famille était Marlhac. ] « C’était ainsi que Gabriel de Marillac, avocat général au parlement de Paris, signait dans tous les actes publics et

  1. (*) Blanchard nomme deux Charles de Marillac, conseillers, l’un en 1541 qui fut... finalement archevêque de Vienne. L’autre fut reçu le 20 mars 1576, qui est l’avocat dont il est ici parlé.
  2. (*) En 1580. Blanchard.
  1. C’est-à-dire, celles que du Bourg avait alléguées.
  2. Loisel, Dialogue des Avocats du parlement de Paris, pag. 520.
  3. Opuscules de Loisel, pag. 707.
  4. Loisel, là même, pag. 551.