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MAROT.

le Jeune, qui était de Valenciennes [1].

Je m’étonne qu’il ne parle pas de celui qui fut le premier auteur de la musique ordinaire ; car la musique à plusieurs parties n’a jamais été en usage dans les temples des réformés. Voici ce qu’un professeur de Lausane m’a fait l’honneur de m’écrire : « J’ai déterré une chose assez curieuse, c’est un témoignage que M. de Bèze donna de sa main, et au nom de la compagnie ecclésiastique, à Guillaume Franc, le 2 de novembre 1552, où il déclare que c’est lui qui a mis le premier en musique les Psaumes comme on les chante dans nos églises : et j’ai encore un exemplaire des Psaumes imprimés à Genève, où est le nom de ce Guillaume Franc, et outre cela, un privilége du magistrat, signé Gallatin, scellé de cire rouge en 1564, où il est aussi reconnu pour l’auteur de cette musique. Notre Plantin, dans sa Lausanna restituta, lui rend le même témoignage [2]. »

Voici la réponse du sieur de Pours à Florimond de Rémond, touchant la conformité des airs de quelques psaumes avec des chansons vulgaires [3] : « Florimond conforme notre psaume 38 :

» Las en ta fureur aigue
» Ne m’argue,
» De mon fait Dieu tout puissant,


» sur ce vaudeville :

» Mon bel ami, vous souviene,
» de Piene,
» Quand vous serez par delà.


» Le ps. 130 est conforme à cet air :

» Languirai-je plus guere,
» Languirai-je toujours !


» s’il eût plu à ce conseiller, il y eût ajouté un cantique de l’adversité d’Angleterre changée en prospérité, sur le chant du ps. 38, ou sur une voix :

» Tous les huguenots de France,
» Mille cinq cens et cinquante,
» La regente,
» Qu’on appelle Élisabeth.


» Dont est dit,

» Comme aussi en Angleterre,
» Bonne terre,
» Dieu sa grâce a fait couler,
» Leur donnant en ce royaume
» Une dame
» Qui ne veut point vaciller.


» Celui-là semble plus ancien, intitulé sur le chant de Piène, sans y faire mention dudit psaume.

» Sus cardinaux archevesques,
» Et evesques,
» Venez tous me secourir,
» Moines, prestres et heremites,
» Jesuites,
» Venez pour me voir mourir.
» Papauté suis appelée,
» Qui meslée
» Me suis de perdre la gent,
» Envoyant dedans la flamme,
» Corps et ame
» Du riche et de l’indigent.
» Je veux que de moi on chante
» La meschante,
» Qui jusqu’au ciel s’eslevoit.
» Elle est cheute et abismée,
» La damnée,
» Qui tout le monde enchantoit.


» Or qu’ils sachent qu’on a ôté aux poëtes amoureux, comme à des injustes possesseurs, ces mignardises, et leur pétulance est convertie en sainteté. Ce qui soulait appartenir leur est ôté, et est comme sanctifié. Anciennement, ce qui était d’un usage commun, fût-ce même d’un butin, en étant cérémoniellement séparé et séquestré, quand on l’appliquait au service du sanctuaire, il était réputé pour chose sainte. » Après cela il use de récrimination [4] : il fait voir que la traduction des Psaumes en vers flamands, imprimée à Anvers par Simon Cock, l’an 1540, avec privilége impérial donné à Bruxelles l’an 1539, contient une musique empruntée des chansons vulgaires, et que cela même est marqué au commencement de chaque psaume [5]. Laissons-le parler son vieux gaulois. Vous trouverez és pseaumes de Cock ces inscriptions selon les pseaumes là marqués. Le ps. 72 est chanté sur la voix D’où vient cela ;

  1. De Pours, divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 721.
  2. Lettre MS. de M. Constant de Rebecque, dont on parlera ci-dessous, dans la citation (h) de la Dissertation concernant Junius Brutus, à la fin de cet ouvrage, tom. XV.
  3. De Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 577, 578.
  4. On en usa aussi quand on répondit à l’Histoire du Calvinisme de Maimbourg ; car on reprocha les airs sur quoi les Noëls sont chantés, et les cantiques spirituels de Colletet, et ceux dont l’auteur de l’Évêque de Cour s’est tant moqué. Voyez M. Jurieu, Apologie pour les Réformateurs, pag. 128, 129, et M. Rou, Remarques sur l’Histoire du Calvinisme, p. 39 et suiv.
  5. De Pours, Divine Mélodie du saint Psalmiste, pag. 571.