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MAROT.

de ps. 81, Sur le pont d’Avignon ; le ps. 99, Que maudit soit ce faux vieillard ; le ps. 103, Languir me faut ; le ps. 113, De tristesse et déplaisir ; de même le ps. 120, Madame la régente, ce n’est pas la façon ; le ps. 128, Il me suffit de tous mes maux ; le ps. 135, Le berger et la bergère sont à l’ombre d’un buisson. C’est un psautier flamand, et ces premiers motets tous françois y sont posés in ’t waelsche selon le style impérial annoté en notre preface, qui met le wallon pour bon françois [1].

J’ai coté en note [2] deux auteurs qui ont reproché aux catholiques les airs profanes de leurs noëls, etc. J’ajoute qu’on vient de réimprimer à Genève un écrit qui avait été publié l’an 1645, et qui donne la matière d’une forte récrimination. J’en tirerai ce morceau : Nullo delectu sacra profanaque juxta habet (hæc gens) imò tam præpostero cultu divina curat, ut pios ecclesiæ usus nullis non semper insanientis sæculi ludis pervertat, sordibusque contaminet. Quæ quidem satis denuò experti sumus, his natalis Christi nuper exactis temporibus, cùm omnia templa putidis profanarum cantionum vocibus personarent : ubi quotannis ipsum incarnationis mysterium turpissimis secularium cantuum odis conspurcatur ; tantusque amor est ecclesiasticos hymnos ad mundanas ejusmodi cantilenas inflectere, ut nulla, quantumvis obscœna vulgetur, quin statim in ecclesiis ridiculè detorta audiatur ; vixque in indignatione risum teneo, quoties recordationem subit alicubi videri sacrorum cantuum rituale, in quo hanc (ut alias omittam omninò turpes) rubricam legere est :

MAGNIFICAT : sur le chant,
Que ne vous requinquez-vous, vieille :
Que ne vous requinquez-vous donc [3] ?


L’écrit dont je parle fut composé par un avocat nommé Muret [* 1], qui adresse la parole au fameux Gassendi, pour lui représenter les cérémonies ridicules des Provençaux.

(O) .... Les particularités les plus notables me seront fournies par l’auteur d’une lettre.... écrite.... peu après la mort de Henri II. ] Elle est datée du 26 d’août 1559, et fut envoyée à Catherine de Médicis par un gentilhomme qui avoit servi la feue royne de Navarre, qui se soubscrivit Villemadon, avec lequel ladite dame [4] avoit autrefois privément conféré de ses affaires, et mesmes des poincts de la religion [5]. Je me servirai des termes même de la lettre ; car le nouveau français ne pourrait pas retenir la liberté et la force dont on se servait en ce temps-là. « [6] Je commenceray, madame, par vous dire que regnant le feu roy, lors dauphin, revenu de Piedmont, où il s’oublia tant, que de commettre un ord et sale adultère, par le conseil et conduicte de certains mignons, meschans et infideles serviteurs, et par lesquels d’abondant la miserable grande senechale, Diane de Poictiers, public et commun receptacle de tant d’hommes paillards et effrenez qui sont morts, et qui encore vivent, luy fut introduicte comme une bague dont il apprendroit beaucoup de vertu : et depuis que les nouvelles furent venues, que la bastarde estoit née du susdict adultere, vous fustes mise sur les rengs, madame, par les susdicts moqueurs, et ladicte vieille meretrice : qui vous despescherent et declarerent entre eux incapable de telle grandeur et honneur que d’estre femme d’un daulphin de France, pource que n’auriez jamais enfans, puis que mettiez tant à en porter, veu qu’il ne tenoit à vostre seigneur et mari. Il me souvient que au lieu et chasteau de Rousillon sur le Rosne, ils en tindrent un grand parlement, dont la cognoissance en vint à la feue roine de Navarre, qui vous

  1. * Joly dit que l’auteur de la Querela ad Gassendum ne s’appelait pas Muret, comme l’a cru Bayle, ni Naudé, comme le dit Thiers, mais Neuré. Joly dit qu’on peut, sur ce Neuré, consulter les Œuvres mêlées de Chevreau ; c’est dans le Chevræana qu’il en est question. Neuré a un article dans le Moréri de 1759.
  1. Là même, pag. 578.
  2. Ci-dessus, citation (92).
  3. Querela ad Gassendum de parùm christianis Provincialium suorum ritibus, etc., pag. 71, edit. Genev., 1700.
  4. C’est-à-dire Catherine de Médicis.
  5. Bèze, Histoire ecclésiastique, liv. III, pag. 225.
  6. Recueil des Choses mémorables faites et passées pour le fait de la Religion et État de ce royaume, depuis la mort du roy Henri II, tom. I, pag. 501, édit. de 1565, in-12.