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MAROT.

et dès lors il eût commencé à faire des vers. Cependant, nous ne voyons pas qu’il en ait fait qui se puissent rapporter au règne de Louis XII[1]. Il est plus vraisemblable qu’il vint au monde l’an 1496. Prenez garde aux vers que je cite dans la remarque (B) : ils furent faits l’an 1526, et ils témoignent qu’à l’âge de dix ans il fut mené à la cour, et qu’il y avait vingt ans qu’il la suivait en labeur et souffrance. Nous n’avons point de vers où il parle de sa vieillesse : il se contente de dire qu’il est dans l’automne de son âge ;

...... Car l’yver qui s’appreste
A commencé à neiger sur ma teste [2].


Il dit ailleurs[3].

Plus ne suis ce que j’ay esté,
Et ne le saurois jamais estre :
Mon beau printemps, et mon esté,
On fait le saut par la fenestre.


L’automne de l’âge s’étend d’ordinaire entre quarante et cinquante-cinq ans plus ou moins : on est déjà dans l’hiver, lorsque l’on a soixante ans.

Puisque j’ai dit que l’édition de Niort, 1596, est meilleure que toutes celles que j’avais consultées, il faut que je marque ce qu’elle a de particulier. On y trouve quelques pièces qui manquaient à plusieurs des éditions précédentes, et qui ont été omises dans plusieurs des éditions postérieures. Les premières de ces pièces sont l’Épître en prose de Clément Marot à Étienne Dolet, du dernier jour de juillet mil cinq cent trente-huit. L’Épître en prose dudit Marot, du 12 d’août 1530, à un grand nombre de frères qu’il a, tous enfans d’Apollon. L’Épître en prose dudit Marot, à messire Nicolas de Neufville, chevalier, seigneur de Villeroi, sur son opuscule du Temple de Cupidon. On remit ces trois épîtres[4] de l’auteur, tant pour ce qu’elles donnent à connaître entre autres choses certaines particularités notables, qui servent tant à maintenir ses œuvres en leur entier, par les imprimeurs, que pour voir quel était son style en prose. On employa aussi l’Épître d’Étienne Dolet, avec ses annotations en marge sur l’Enfer dudit Marot. L’Épître dudit Marot à son ami, Antoine Couillart, seigneur du Pavillon, avec une épigramme de Michel Marot, fils unique dudit Clément Marot. Les trois premières de ces pièces sont au commencement du livre : la lettre de Dolet se trouve à la page 47, et celle de Marot au seigneur de Pavillon à la page 211. Celle de Dolet fut écrite à Lion Jamet, et est datée de Lyon, le premier jour de l’an de grâce 1542. Elle nous apprend que le Poëme de l’Enfer n’avait été imprimé, sinon en la ville d’Anvers. Notez que Clément Marot, dans sa lettre au même Dolet, fit beaucoup de plaintes contre ceux qui en imprimant ses œuvres, y avaient mêlé des pièces dont il n’était pas l’auteur, et dont les unes étaient froidement et de mauvaise grâce composées, et les autres toutes pleines de scandale et sedition. Le tort qu’ils m’ont faict, dit-il, est si grand et si outrageux, qu’il a touché mon honneur et mis en danger ma personne. Certes j’ose dire sans mentir (toutes fois sans reproche) que de tous ces miens labeurs le profit leur en retourne. J’ai planté les arbres, ils en cueillent les fruits. J’ai traîné la charrue, ils en serrent la moisson : et à moi n’en revient qu’un peu d’estime entre les hommes, lequel encore ils me veulent esteindre, m’attribuant œuvres sottes et scandaleuses. Je ne sai comment appeller cela, sinon ingratitude, que je ne puis avoir desservie, si ce n’est par la faute que je fis, quand je leur donnai mes coppies. Or je ne suis seul, à qui ce bon tour a été faict, si Alain Chartier vivoit, croi hardiment (ami) que volontiers me tiendroit compagnie à faire plaincte de ceux de leur art, qui à ses œuvres excellentes ajoustèrent la contre Dame sans merci, l’Hôpital d’Amours, la Plaincte de S. Valentin, et la Pastourelle de Granson : œuvres certes indignes de son nom ; et autant sorties de lui, comme de moi la Complainte de la Bazoche, l’Alphabet du temps présent, l’Épitaphe du comte de Sales, et plusieurs

  1. Voyez son églogue de Pan et Robin, l’on voit que ses premières poésies furent faites sous François Ier.
  2. Marot, Églogue de Pan, pag. 38, édit. de Niort, 159.
  3. Épigramme, pag. 433.
  4. Notez que les deux premières furent prises de l’édition de Lyon, 1543, faite par Étienne Dolet.