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MARULLE.

qui en fut trouvé parmi ses papiers fut imprimé avec les épigrammes et avec les hymnes. Il s’est fait plusieurs éditions de tout cela. Les goûts sont partagés sur ces poésies. Il y a des critiques qui en disent beaucoup de mal. Tels sont les deux Scaliger [a]. D’autres écrivains ont donné beaucoup de louanges à Marulle [b]. Il se fit beaucoup d’ennemis, pour avoir censuré les anciens poëtes latins [c]. Floridus Sabinus entreprit leur défense, et le traita durement. Politien eut une grosse querelle avec lui [* 1] pour le même sujet [d]. Nous parlons ailleurs [e] du mariage de Marulle avec la savante Alexandra Scala. Mais c’est ici qu’il faut dire que c’était un esprit inquiet, et qu’il ne trouva jamais une assiette fixe, ni pour son corps, ni pour ses études (D). Les autres savans allaient alors à la gloire par le chemin de la traduction : il méprisa ce travail [f] (E), ou comme au-dessous de lui, ou comme trop hasardeux ; et il songeait à quelque chose d’une plus grande importance, lorsqu’il se noya dans une rivière de Toscane (F), en pestant contre le ciel. Ce fut l’an 1500 (G). J’ai lu dans un livre assez nouveau, que cette infortune lui avait été prédite long-temps auparavant ; mais le témoin qu’on en allègue ne dit rien moins que cela (H).

(A) Tarchaniote. ] Je crois que c’était le nom de famille de sa mère ; car on voit, dans le premier livre de ses épigrammes, l’épitaphe de Michel Tarchaniote, son aïeul maternel, et celle d’Euphrosine Tarchaniote, sa mère ; et l’on voit, au troisième livre, celle de Paul Tarchaniote, son oncle maternel. Quant à son aïeul paternel, dont l’épitaphe se trouve peu de pages après, il se nommait Philippe Marulle. Un des quatre savans grecs qui cherchèrent un asile en France sous le règne de Charles VII, et qui furent recommandés par Philelphe à Guillaume des Ursins, chancelier de France, se nommait Nicolas Tarchaniote [1].

(B) Ses sentimens en matière de religion étaient fort éloignés de l’orthodoxie. ] C’est ce que nous apprenons de Léandre Alberti [2], qui fait cette observation en passant, lorsqu’il parle de la rivière où Marulle se noya : flumen Cæcina Marulli Bizantini, viri docti, sed de christianâ pietate haud sanè sentientis interitu illustratrum. Cela qui a publié quelques notes bien curieuses sur Sannazar, se sert de deux preuves contre ceux qui ont prétendu que Jean-François Pic aida Marulle à faire ses hymnes : la première, que Pic s’était tellement attaché à l’étude de la théologie chrétienne, qu’il n’est nullement probable qu’il se soit soucié d’aucune politesse de style ; la seconde, qu’il

  1. * Leclerc prétend que Bayle se fonde sur ce que le Mabilius des poésies de Politien serait Marulle, et il reproche à Bayle de se contredire, puisque dans l’article Politien, remarque (O), il déclare ne pas reconnaître Marulle dans Mabilius. Le désir de trouver Bayle en contradiction est tout ce que prouve la remarque de Leclerc. Il y a eu querelle entre Marulle et Politien ; voilà ce que Bayle dit dans les deux articles, sans aucune contradiction.
  1. Jul. Cæs. Scaliger, Poët., lib. VI, cap. IV, Joseph. Scalig., in Catull., epigr. LXVII.
  2. Crinitus, de honestâ Discip., lib. XXIII, cap. VII. Joh. Secandus. epigramm. Jovius, Elogiorum cap. XXVIII. Pontanus, apud Jovium, ibidem. Pierius Valerianus, de Litteratorum Infelicitate.
  3. Voyez Crinitus, de honestâ Disciplinâ, lib. XXIII, cap. VII.
  4. Paulò antè Græcorum nomini favens, cum Politiano ejus gentis ingeniis infesto. maledicentissimis epistolis lites extenderat, Jovius, Elog., cap. XXVIII.
  5. Dans l’article Scala, tom. XIII.
  6. Jovius, Elog., cap. XXVIII.
  1. Guillet, Vie de Mahomet II, tom. I, pag. 258, ex Turco-Græc., pag. 91.
  2. Descript. Ital., pag. 44.