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MECQUE.

les. M. Furetière dit avec raison qu’on les nomme mausolées ; mais il ajoute une chose bien incertaine (D).

(A) Dans le Supplément de Moréri. ] On y a copié M. Chevreau, sans le confronter avec Pline. Si on l’avait confronté avec son original, on aurait vu que les Faces du Mausolée n’étaient pas un peu plus larges que son étendue du midi au septentrion [1], mais au contraire un peu moins larges. Patet ab austro, dit Pline, et septentrione sexagenus ternos pedes, brevius à frontibus [2]. Le père Hardouin [3] a dit que Dalechamp et Léon Allazzi n’ont vu goutte sur ce chapitre.

(B) On a donné le même nom à tous les tombeaux somptueux. ] Μέγεθος δὲ οὕτω δή τι ἔςι μέγας καὶ ἐς κατασκευὴν περίϐλεπτος τὴν πᾶσαν, ὥςε καὶ Ῥωμαῖοι μεγάλως δή τι αὐτὸν θαυμάζοντες τὰ παρά σϕισιν ἐπιϕανῆ μνήματα Μαυσωλεῖα ὀνομάζουσιν. Ea fuit operis magnitudo et ornamentorum magnificentia ut Romani valdè illud mirantes magnificentissima quæque apud se monumenta Mausolea appellârint [4].

(C) Deux vers de Martial. ] On se trompe visiblement lorsqu’on veut que ces paroles,

Aere nec vacuo pendentia Mausolea,
Laudibus immodicis Cares in astra ferant [5],


prouvent que par mausolée les auteurs latins entendaient en général un magnifique tombeau ; car il ne s’agit là que du mausolée primitif.

(D) Furetière.... ajoute une chose bien incertaine. ] Il dit qu’on a appelé aussi mausolée la châsse d’un saint [* 1]. J’en doute ; car encore que M. du Cange lui ait appris que, dans les auteurs de la basse latinité, mausoleum signifie feretrum Sancti alicujus, et que mausoleare se dit de l’enterrement, il ne s’ensuit pas que mausolée ait eu cet usage en français, et, en tout cas, il faudrait en donner des preuves.

  1. * « Ces châsses, dit Leduchat, sont de deux sortes : les unes ont la forme d’un coffre, et ce ne sont pas celles-là qu’on peut appeler Mausolées ; mais d’autres, surmontées de plus ou de moins de pyramides, et qui ont l’air d’un château. Ce sont proprement celles-ci que Furetière dit qu’on appelle Mausolées. » Joly ajoute que le Dictionnaire de Trévoux, de 1743, a conservé cette signification. J’ajouterai qu’elle ne l’a pas été dans l’édition de 1771.
  1. Chevr., Histoire du Monde, tom. IV, p. 36, édition de Hollande, 1687.
  2. Plin., lib. XXXVI, cap. V.
  3. Harduin., in Plin., ibid.
  4. Pausanias, lib. VIII, pag. 250.
  5. Mart. Spect., init.

MECQUE (la), ville d’Arabie, est non-seulement fameuse pour avoir donné la naissance à Mahomet, et à cause que les sectateurs de ce faux prophète y vont en pèlerinage avec beaucoup de superstition, mais aussi à cause qu’elle avait un temple qui, au temps de l’ancien paganisme, n’était pas moins vénéré entre les Arabes, que celui de Delphes entre les Grecs (A). Ceux qui avaient la présidence de ce temple étaient fort considérés à la Mecque [a] : et cela montre l’erreur de ceux qui ont dit que Mahomet était de vile extraction ; car il était d’une famille qui possédait depuis long-temps le gouvernement de la ville et celui du temple (B). On ne manqua pas de faire des contes concernant la protection miraculeuse que le ciel avait accordée à ce lieu sacré (C). Les habitans de la Mecque étaient d’une ignorance très-crasse (D) ; et néanmoins ils rejetèrent comme ridicules les visions et les doctrines que Mahomet leur annonça [b]. Il fut un exemple de la vérité de la maxime nul prophète en son pays. Il ne put jamais faire goûter dans sa patrie ses prétendues révélations : et tant à cause qu’on les trouvait impertinentes, qu’à cause qu’on le soup-

  1. Voyez la remarque (B).
  2. Prideaux. Vie de Mahomet. pag. 22, 65.