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MECQUE.

que c’était là qu’ils avaient leur temple. [* 1] Les Arabes tournaient la leur vers la Mecque, où était leur Caaba, lieu principal de leur culte païen. L’ordre que Mahomet donna à ses sectateurs de se tourner vers la Mecque quand ils feraient leurs prières, appartient à l’an 2 de l’hégire. C’est depuis ce temps-là, ajoute M. Prideaux [1], « qu’on a vu toutes ces histoires fabuleuses que cet imposteur a inventées pour exalter d’autant plus le temple de la Mecque, et le rendre plus fameux, comme qu’il avait été [* 2] premièrement bâti au ciel, pour servir aux anges du lieu, où ils devaient adorer, et qu’Adam y avait adoré lorsqu’il était en paradis ; mais qu’en ayant été chassé, car ils placent le paradis au ciel, il avait prié Dieu de lui accorder sur la terre un temple semblable à celui-là, vers lequel il pût prier, et aller tout autour pour l’adorer, de la même manière que les anges vont autour de celui qu’il avait vu au ciel. Que là-dessus Dieu avait envoyé la ressemblance de ce temple dans des courtines de lumière et l’avait placée à la Mecque, au même lieu qu’est maintenant la Caaba, qui, à ce qu’ils disent, est exactement droit au-dessous de l’original qui est au ciel : que c’était là où, après la mort d’Adam, Seth l’avait bâti de pierres et d’argile, et que le peuple de Dieu y avait adoré jusqu’au temps du déluge, mais qu’ayant été détruit par les eaux [* 3], Dieu avait ensuite commandé à Abraham de le faire rebâtir, lui en ayant montré la forme dans une vision, aussi bien que le lieu dans son visible Schecinath qui y résidait ; que, selon ce commandement, Abraham et Ismaël l’avait rebâti là où il est à présent ; et qu’ensuite Ismaël, demeurant à la Mecque, y avait toujours adoré Dieu selon le véritable culte ; mais que sa postérité l’ayant ensuite corrompu d’une idolâtrie horrible, et profané ainsi ce saint temple, il devait maintenant le purger des idoles, et le consacrer de nouveau au véritable culte de Dieu, auquel il avait été d’abord destiné. Ainsi il ne retint pas seulement le temple de la Mecque, mais encore les pèlerinages s’y continuèrent, de même que les autres cérémonies qui y étaient en usage au temps de l’idolâtrie ; car comme toutes ces choses étaient en grande vénération dans les esprits des Arabes depuis longtemps, il n’eut pas beaucoup de peine à les leur faire embrasser, quand il les eut une fois introduites dans sa nouvelle religion. » Joignez avec ces dernières paroles ce qui sera dit ci-dessous dans la remarque (F).

(B) Mahomet était d’une famille qui possédait depuis long-temps le gouvernement de la ville et celui du temple. ] On remonte jusqu’à un certain Cosa, comme nous l’apprend M. Prideaux [2]. Ce Cosa [* 4] était très-fameux parmi les Korashites, en ce qu’il établit dans sa maison la garde des clefs de la Caaba, et en même temps la présidence de ce temple, qui est le même auquel les mahométans vont maintenant faire leur pèlerinage à la Mecque, et qui était pour lors aussi célèbre pour le culte des païens, parmi les Arabes, qu’il a été du depuis pour celui des mahométans ; et pour cet effet la présidence en était tout-à-fait considérable, comme un poste si important pour celui qui en était en possession, qu’il le rendait honorable par toute l’Arabie. Il était auparavant occupé par Abu-Gabshan, qui eut la simplicité de s’en défaire pour une bouteille de vin, dans un malheureux moment où il se trouva d’humeur à boire. Il voulut ensuite se relever d’un marché si préjudiciable, et fut appuyé par les gens de sa tribu ; mais lui et eux,

  1. (*) Abul Faraghius, pag. 102.
  2. (*) Sharestani Pocockii Spec., Hist. Arab., pag. 115. Sionita Appendix ad Geographiam Nubiensem, c. 7.
  3. (*) Alc. c. 2, 3 et 22. Al-Jannabi in vitâ Abrahami Sharestani, Zamach Sharidum ad cap. 2 Alcorani Sharifol Edrisi liber Agar ; Johannes Andreas, c. 1.
  4. (*) Abul-Féda ; Pocockii Spec. Hist. arab., pag. 42, 50, et 342, Ecchelensis Hist. arab., pag. 1, c. 3 : Fortalitium Fidei, lib. 4. consid. 1.
  1. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 94, 95. Voyez la remarque (F) de l’article d’Abraham, tom. I, pag. 91.
  2. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 2.