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MECQUE.

qu’on la fit avec tant d’emportement et de fureur, qu’elle fut continuée même durant les mois où ils comptaient parmi eux qu’on ne pouvait faire la guerre sans impiété. Car c’était [* 1] une ancienne coutume dans toute l’Arabie que de garder 4 mois de l’année comme sacrés, savoir les mois de moharram, rajeb, dulkaada, et dul-hagha, qui sont le premier, le 7, le 11, et le 12e. de l’année, pendant lesquels toute sorte de guerre devait cesser. Et ces mois étaient observés si religieusement parmi toutes leurs tribus, que, pour si grande que fût l’animosité d’une tribu contre l’autre, chose assez ordinaire parmi eux, le mois sacré n’avait pas plus tôt commencé qu’ôtant les pointes de leurs lances, et mettant bas toutes sortes d’armes, ils ne commettaient aucun acte d’hostilité, et même avaient commerce ensemble, se mêlant les uns avec les autres, comme s’il y avait eu entr'eux une paix solide et une amitié parfaite ; de manière que si pendant ces mois-là un homme rencontrait l’assassin de son père ou de son frère, il n’osait l’attaquer malgré la violence de son ressentiment, et quelque grand que fût le désir qu’il avait d’assouvi sa vengeance. Ce passage-ci et l’autre ne se rapportent point : l’un parle de quatre mois qui ne sont pas contigus ; l’autre parle de trois mois qui vont de suite.

(G) Le puits de Zemzem. ] D’autres le nomment Zamzam, ou Zanzam, comme on l’a vu ci-dessus [1]. Ce puits est l’une des plus sacrées singularités de la Mecque. On conte que c’est une source d’eau qui fut produite sous les pieds d’Ismaël, lorsqu’il mourait de soif. Les pèlerins sont obligés de se servir de cette eau, pour se laver trois fois le corps et la tête : il faut qu’ils en boivent, et que s’ils peuvent, ils en emportent avec eux. Postquàm sacellum illud, atque lapidem [2] prædictum inviserunt, si ad aliud intrà templum satis amplum sacellum conferunt, ubi puteus est, dictus Zam Zam ; et est, inquit Jacub Ben-Sidi Aali, fons seu scatebra quæ fluxit sub pedibus Ismaël dum gemeret sitibundus, quam Hagar primò videns filio ait linguâ Coptiticâ Zam, Zam, hoc est, siste, siste gradum. Ex hoc puteo multi sunt qui aquam exhauriunt, atque dant peregrinis quibus præceptum est corpus et caput eâdem aquâ ter se lavare, atque, ex eâdem bibere, secumque si possint deferre [3]. « Mahomet, pour rendre la ville de la Mecque, lieu de sa naissance, plus considérable, pour échauffer la dévotion des peuples, et y attirer une plus grande foule de pèlerins, a donné de grands éloges à l’eau de ce puits. Car il y a une tradition de lui, reçue par le calife Omar, qui porte que l’eau du puits de Zemzem sert de remède, et donne la santé à celui qui en boit : mais que celui qui en boit abondamment, et qui s’en désaltère, obtient le pardon de tous ses péchés. Et l’on rapporte d’Abdallah, surnommé, Al-Hafedh, à cause qu’il savait par cœur un grand nombre de traditions, qu’étant interrogé sur sa mémoire, il répondit que depuis qu’il avait bu à longs traits de l’eau de Zemzem pour la fortifier, il n’avait rien oublié de ce qu’il avait appris [4]. » M. d’Herbelot, dont j’emprunte ces paroles, a recueilli quantité d’autres particularités touchant ce puits. Consultez sa Bibliothéque orientale, au mot Zemzem. Je n’en tirerai que ceci : La ville de la Mecque a demeuré long-temps sans avoir d’autre eau que celle du puits de Zemzem, jusqu’à ce que le grand concours des caravanes eût obligé les califes d’y faire construire un aqueduc qui en fournit présentement, une quantité suffisante [5]. Ceci suppose que l’aqueduc est plus ancien que M. Baudrand ne l’assure sur la foi de Golius [6].

(H) Nous dirons quelque chose du

  1. (*) Al-Jauhari, Al-Sharestani ; Al-Kamus ; Cizwini ; Golius, in notis ad Alfraganum, pag. 4, 5 et 9 ; Pocock. Spec., Hist. Arab., pag. 174 et 176.
  1. Au texte de l’article Abu-daher, tom. I, pag. 96, et remarque (K) de l’article Agar, tom. I, pag. 247.
  2. C’est-à-dire la pierre dont j’ai parlé, tom. I, pag. 274, remarque (K) de l’art. Agar.
  3. Gabr. Sionita et Jo. Hesronita, de nonnullis Oriental. Urbibus, pag. 19.
  4. D’Herbelot, Biblioth. orient., pag. 928, col. 2.
  5. Là même.
  6. Voyez le corps de cet article, vers la fin, citat. (q), ci-dessus, pag. 360.