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MACHIAVEL.

de la fortune des favoris. Elle est in-12, et contient 339 pages. J’en ai cité quelque chose dans les remarques de l’article du chancelier de l’Hospital. On a une nouvelle édition latine du prince de Machiavel, faite à Amsterdam, in-8°., l’an 1699, interprete Casparo Langenhert philosopho, qui sua ei commentaria adjecit. Celui qui a donné cette nouvelle traduction, ne l’a entreprise que parce que celle que nous avions auparavant lui a paru défectueuse [1].

(F) Possevin, qui ne l’avait point lu, fut.... cause que l’inquisition le condamna. ] Ce tribunal s’avisa bien tard de condamner cet ouvrage. Le Prince de Machiavel fut publié environ l’an 1515, et dédié à Laurent de Médicis, neveu de Léon X. Il ne fit nul tort à l’auteur auprès de ce pape, qui néanmoins est le premier qui ait menacé de l’excommunication ceux qui liraient un ouvrage défendu. Nec tamen à papâ isthoc vel liber ullo fuit sinistro verbo notatus (quamvis Leo omnium primus intenderit vim librorum prohibitoriam, vetitis legi dissidentium scriptis omnibus sub excommunicationis pœnâ, quod hactenùs carebat exemplo), vel auctor pristino gratiæ loco motus [2] : ce que je remarque afin de faire connaître que l’impunité de ce livre de Machiavel ne doit pas être attribuée à quelque relâchement général du pontificat de Léon, par rapport aux mauvais livres. Le pape discontinua si peu de témoigner son amitié à l’auteur, qu’il l’employa à faire un livre qui demandait le secret. Il lui fit faire un Traité sur la manière de réformer la république de Florence. Valuit in tantum apud Leonem, ut hujus jussu arcanam dissertationem concinnaverit de reformatione reipublicæ Florentinæ, quam manuscriptam in bibliotheci Gaddianâ superesse testatur Jacobus Gaddus [3]. Adrien VI, successeur de Léon X, laissa en repos l’écrit de Machiavel, Clément VII, successeur d’Adrien VI, fit plus que cela : car, non-seulement il trouva bon que Machiavel lui dédiât son Histoire de Florence ; mais aussi il accorda un privilége [4] à Antoine Bladus, pour imprimer à Rome les œuvres de cet auteur. Les successeurs de Clément VII, jusqu’à Clément VIII exclusivement, permirent dans toute l’Italie le débit du Prince de Machiavel, dont il se faisait souvent des éditions et des traductions. On savait pourtant que cet ouvrage déplaisait à quelques docteurs ; car un livre d’Ambroise Catharin [5] imprimé à Rome, l’an 1552, contient un chapitre contre les Discours et le Prince de Machiavel. Enfin, sous le pontificat de Clément VIII, on condamna les écrits de ce Florentin, après les vacarmes que firent à Rome le jésuite Possevin et un prêtre de l’oratoire, nommé Thomas Bozius. Il est néanmoins certain que ce jésuite n’avait point lu le Prince de Machiavel. Voyez le jugement qu’il a publié sur quatre écrivains, La Noue, Bodin, du Plessis Mornai et Machiavel [6] : vous verrez qu’il suppose que le Prince du quatrième est divisé en trois livres ; ce qui est visiblement faux. Il impute à Machiavel des choses qui ne sont point dans le Prince. Conringius devine très-bien la source de ces bévues ; c’est que Possevin ne connaissait cet ouvrage que par la lecture de Gentillet. In eâ (dissertatione Possevini) verò ita disseritur, quasi à MACHIAVELLO tres de Principe libri compositi sint : hinc statim initio, ubi de MACHIAVELLO agit, aliquot ejus sententiis enumeratis, et hæc quidem, inquit ille, sceleratum illud Satanæ organum prioribus duobus libris, quibus de Principe agit, insipienti mundo obtrusit. Non multò post cùm diceret : redeo ad easdem labes MACHIAVELLI, ut cognita pestis magis caveatur. In margine libri notat librum tertium : quasi libro tertio MACHIAVELLUS doceat, belli

  1. Journal des Savans, du 15 de mars 1700, pag. 211, édition de Hollande.
  2. Conringius, præfat. Principis Machiav. apud Magirum Eponymolog., pag. 548.
  3. Conring., ibidem.
  4. Daté du 23 d’août 1531. Il est à la tête des Œuvres de Machiavel.
  5. De libris à Christiano detestandis, et ex Cristianismo penitùs removendis.
  6. Il le composa par ordre d’Innocent IX, et il le publia à Rome, l’an 1572. Il en a inséré une partie dans sa Bibliothéque choisie. Conring., ibidem., apud eumdem Magirum, ibidem.