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MACHIAVEL.

justitiam in eâ, quam sibi quisque putat esse necessitatem, collocari. At verò certo est certius, non nisi unicum, et quidem exiguum libellum de Principe MACHIAVELLO auctore esse conscriptum, et nusquàm terrarum tres in partes illum fuisse sectum, nec in hoc libello reperiri ea, quæ inter alia criminatur Possevinus, religionem ethnican christianæ præferendam, aut doctores christianæ religionis nihili faciendos, ut nec quicquam hoc libro (quod itidem Possevinus conqueritur) inclementiùs dicitur in romanam ecclesiam, sed potiùs illud caput XI, ipsum principatum pontificium non humanis consilis atque artibus, sed quâdam inusitatâ vi, et quidem solius Dei favore, salvum esse ; quod vir quisquam Zelotici gregis affirmaverit. Nec tamen longè petenda aut hariolanda venit causa crassi illius Posseviniani erroris, modo quis inspexerit volumen illud, quod Anti-Machiavelli titulo ἀνονὺμως opposuit, hinc indè ex variis libris Machavellicis excerptis sententiis, Innocentius Gentilletus. Hoc enim tres in libros est distinctum, et in ejus duobus prioribus reprehensa sunt illa, quæ duobus prioribus de Principe libris haberi Possevinus ridiculè affirmat : in tertio etiam illorum librorum animadvertitur in eâ, quæ ex tertio libro de Principe frustrà repetit MACHIAVELLUS [1]. Ut liquidò appareat, ex illo volumine Anti-Machiavellico, non autem ex MACHIAVELLO ipso Possevinum sua accepisse, etc. [2]. Voyez en note la réflexion de Conringius [3].

(G) Il eut la prudence de n’oser jamais essayer sa théorie, non pas même sur un escadron. ] Quand on ne sait la guerre que par la lecture, on s’en doit tenir à la théorie ; car si l’on entreprenait d’aller faire faire l’exercice à un régiment, on s’exposerait à la risée du moindre soldat. Machiavel est louable d’avoir résiste aux exhortations du duc d’Urbin [4]. Nous ignorerions peut-être cette particularité, si Cardan n’en eût fait mention. Machiavellum seculi superioris doctorem qui tot et tanta de militari Romanorum disciplinâ disertissimè scripserat, ne unam quidem cohortem, quantumvis eum id ut tentaret, Urbini princeps hortaretur, instruere ausum esse Cardanus testatur [5].

(H) On a publié une nouvelle version française de la plupart de ses livres. ] C’est le sieur Henri Desbordes, libraire français à Amsterdam, qui l’a imprimée en six volumes in-12. Le 1er. parut l’an 1691, et comprend les deux premiers livres des Discours sur Tite-Live. Le troisième livre de ces Discours fait le second tome, et parut l’an 1692. L’Art de la Guerre fut imprimé l’an 1693. L’Histoire de Florence, en deux volumes, fut imprimée l’an 1694, et le Prince et quelques autres opuscules, l’an 1696. On a traduit ce dernier livre, quoique M. Amelot de la Houssaye l’eût publié en français depuis peu d’années ; on l’a, dis-je, traduit nonobstant cette raison, parce qu’on a cru que le public serait bien aise d’avoir de la même main tout le corps des Œuvres du Florentin. Elles méritaient d’être traduites tout de nouveau en notre langue ; car l’ancienne version française n’a plus de grâces. Je l’ai vue d’une édition de Paris, postérieure à l’an 1630 ; mais c’était une nouvelle édition : car on y trouve des vers français composés par le sieur des Essars, traducteur de l’Amadis. M. de Beauval [6] nous a fait savoir le nom de celui [7] qui a donné la nouvelle traduction de Machiavel, et qui a mis à la tête du premier volume une préface qui mé-

  1. Il semble qu’il faudrait Possevinus, et non pas Machiavellus.
  2. Conringius, ibidem, apud eumdem, pag. 549.
  3. Et verò illud Possevini facinus luculentè ostendit, non deesse etiam eximiæ dignitatis atque existimationis viros, qui scripto publico ne inspectum quidem MACHIAVELLI Principem sævo calculo abjecerint. Conring., apud Magirum, ibid., pag. 550.
  4. Il était fils de Pierre de Médicis et neveu de Léon X.
  5. Cardan., lib. III de Utilit., ex advers. capiendâ, citante Besoldo de Arte Jureque Belli, cap. I, pag. 3 et 4, apud Thomasium, præfat. XXI, pag. 118.
  6. Histoire des Ouvrages des Savans, juillet 1691, pag. 483.
  7. C’est M. Tétard, réfugié français et médecin à la Haye. Il est de Blois, de la famille de M. Tétard, ministre de Blois, dont on parla beaucoup dans les synodes de France, au temps des disputes de Saumur, sur la Grâce universelle.