Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
MÉLAMPUS.

Dehinc domiti post hæc æqua, et iniqua ferunt.
Turpia perpessus vates est vincla Melampus,
Cognitus Iphicli subripuisse boves :
Quem non lucra, magis Pero formosa coëgit,
Mox Amythaoniâ nupta futura domo [1].


Cet exemple est mal allégué ; car ce ne fut point l’amour d’une fille, mais l’amitié fraternelle, qui porta Mélampus à s’exposer à la honte de la prison. Théocrite a servi de guide à Properce pour s’égarer. Il a mis aussi Mélampus entre les exemples de la force de l’amour.

Τὰν ἀγέλαν χὡ μάντις ἀπ᾽ Ὄθρυος ἆγε Μελάμπους
Ἐς Πύλον· ἁ δὲ Βίαντος ἐν ἀγκοίνῃσιν ἐκλίνθη
Μάτηρ χαρίεσσα περίϕρονος Ἀλϕεσιϐοίας.

Egit et vates Melampus armentum ab Othry monte
In Pylum. In amplexu verò Biantis jacuit
Pulcherrima Pero mater sapientis AlphesibϾ [2].


L’envie de placer une érudition a extorqué plusieurs choses mal à propos aux anciens poëtes. Ronsard et quantité d’autres, au XVIe. siècle, donnèrent dans cet écueil.

(C) Cette aventure est diversement racontée. ] J’ai suivi la narration d’Hérodote ; mais en voici une autre. Prœtus, ayant disputé le royaume d’Argos avec Acrise son frère, fut chassé du pays, et ne put se rétablir qu’à Tirynthe. Il eut trois filles qui devinrent folles en punition de quelque acte d’indévotion [3]. La fureur qui les saisit fut si enragée, qu’elles coururent les champs avec toutes sortes d’indécences [4]. Mélampus, qui savait non-seulement l’art de deviner, mais aussi la médecine, promit de les guérir, pourvu que leur père lui donnât la troisième partie de son royaume. Prœtus, trouvant que la guérison de ses filles lui coûterait trop, ne voulut point l’acheter à ce prix-là. Leur mal empira et devint contagieux : les autres Argiennes en furent tourmentées de telle sorte qu’elles tuaient leurs enfans, et s’en allaient dans les déserts. Le mal augmentant de jour en jour, Prœtus voulut payer le remède de Mélampus selon la taxe indiquée ; mais le médecin fit le renchéri, et demanda un autre tiers du royaume pour son frère. Cela lui fut accordé, car on craignit qu’un refus ne l’engageât à demander dans la suite une plus grande récompense. Il choisit les jeunes hommes les plus vigoureux, pour courir avec de grands cris après ces pauvres malades. On les poursuivit jusqu’à Sicyone : l’aînée des filles de Prœtus mourut en chemin, les deux autres furent purgées ; Mélampus en épousa l’une et Bias l’autre. Quelque temps après il naquit à Prœtus un fils qui s’appela Mégapenthes [5]. Notons qu’on a dit que Mélampus, outre une portion du royaume, demandait en mariage l’une des trois filles qu’il guérirait [6].

Voici une autre narration. Sous le règne d’Anaxagoras, fils d’Argéus, fils de Mégapenthes, les femmes furent attaquées d’une fureur si maligne, qu’elles coururent les rues et à travers champs. Mélampus les ayant guéries trouva Anaxagoras si reconnaissant qu’il reçut de lui les deux tiers de son royaume ; c’est-à-dire, que ce prince le partagea également avec lui et avec Bias. Depuis ce temps-là, le royaume d’Argos fut possédé par trois rois, jusques à ce que les descendans de Mélampus, et ceux de Pias manquèrent, ceux-là à la sixième génération, et ceux-ci à la quatrième. Les descendans d’Anaxagoras réunirent enfin les trois portions, et subsistèrent jusqu’à Cylarabes qui mourut sans enfans. Après quoi Orestes, fils d’Agamemnon, s’empara d’Argos [7]. Il y a une grande différence chronologique entre Pausanias et Apollodore, comme vous voyez.

Quelques-uns croient que la maladie de ces femmes n’était autre chose que la fureur utérine. C’est le sentiment de M. Menjot [8]. Leur ima-

  1. Propertius, eleg. III, lib. II.
  2. Theocrit., Eidyllio III, sub fin., pag. m. 25.
  3. Voyez, outre Apollodore, ubi infrà, Servius, in Virgil., eclog. VI, vs. 48
  4. Μετὰ ἀκοσμίας ἁπάσης, διὰ τῆς ἐρημίας ἐτρόχαζον. Omni dedecore per deserta discurrebant. Apollod., lib. II, pag. 85.
  5. Tiré d’Apollodore, lib. II, pag. 85 et sequent.
  6. Servius, in Virgil., eclog. VI, vs. 48.
  7. Tiré de Pausanias, lib. II, pag. 60.
  8. Antonius Menjotius, Dissertat. Pathol., part. I, pag. 122.