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MACON.

princes souffrissent son livre, ce qu’ils n’auraient pas fait s’ils l’eussent considéré non pas comme leur pédagogue, mais comme celui des amateurs de la liberté populaire ; 2°. que l’on doit excuser dans Machiavel ce que l’on excuse dans Platon et dans Aristote. Notez que Léonclavius était bien éloigné de ce sentiment d’Albéric Gentilis. Voyez l’épître dédicatoire [1] qu’il a mise au-devant de l’Éducation des Princes, composée par Bélisaire Aquaviva.

(P) Il se montra par sa conduite bien animé de l’esprit républicain. ] M. Amelot de la Houssaye sera ici mon commentateur. « Je dirai que Machiavel, qu’on fait passer partout pour un maître de tyrannie, l’a détestée plus que pas un homme de son temps, ainsi qu’il est aisé de voir par le chapitre X du premier livre de ses Discours, où il parle très-fortement contre les tyrans. Et le Nardi [* 1], son contemporain, dit qu’il fut un de ceux qui firent des panégiriques de la liberté, et du cardinal Jules de Médicis, qui, après la mort de Léon X, feignait de la vouloir rendre à sa patrie : et qu’il fut soupçonné d’être complice de la conjuration de Jacopo da Diacetto, Zanobi Buondelmonti, Luigi Alamanus, et Cosimo Ruscellai, contre ce cardinal, à cause de la liaison étroite qu’il avait avec eux, et les autres libertins. (C’est ainsi que les partisans des Médicis [* 2] appelaient ceux qui voulaient maintenir Florence en liberté) et probablement ce fut ce soupçon qui empêcha, qu’il ne fût récompensé de son Histoire de Florence, quoiqu’il l’eût emporté par l’ordre du même cardinal, comme il le marque tout au commencement de son épître dédicatoire [2]. »

(Q) Il fut persécuté de la mauvaise fortune autant qu’un autre. ] Si j’emploie un plus long passage de Jacques Gohory que mon texte ne demande, c’est afin d’y remarquer une assez grosse bévue. « Aussi ne fut pas grandement soustenu ny enrichy par les princes et seigneurs de son temps, comme le pape Clement VII, auquel il dedia son Histoire de Florence, ne du magnifique Laurens de Medicis à qui il envoya son livre du Prince, lequel remit sus le siecle doré des disciplines de son temps en Italie, favorisant et secourant tous les personnages doctes comme Marcilius Ficinus, qui luy a dedié ses traductions et commentaires sur Platon, Angelus Politianus, Hieronymus Donatus, et plusieurs autres desquelz les epistres se voyent au recueil intitulé : Epistolæ Virorum illustrium. Aussi s’en plaint Machiavel à luy, implorant taysiblement son ayde en la dedicatoire de son Prince en ces termes : E se vostra magnificenza d’all’ apice della sua altezza, qualche volta volgera gli occhi in questi luoghi bassi, cognoscera quanto indignamente io supporti una grande e continua malignità di fortuna [3]. » Ces paroles italiennes ont été ainsi traduites par M. Amelot. Et si, du lieu éminent où vous êtes, vous regardez quelquefois en bas, vous connaîtrez que c’est à tort que je souffre une si rude et si longue persécution de la fortune. L’erreur crasse de Gohory est d’avoir cru que Laurent de Médicis, le patron et le fauteur de Politien, etc., était le même Laurent à qui Nicolas Machiavel dédia son Prince. Ce prince Laurent était petit-fils de l’autre.

  1. (*) Hist. Fior., lib. 3.
  2. (*) Ibidem.
  1. Keckerman en allègue ce qu’elle contient au désavantage de Machiavel. Voyez M. Crénius, Method. Stud., part. II, pag. 194.
  2. Amelot de la Houssaye, préface de la traduction du Prince, vers la fin
  3. Gohory, dans la Vie de Machiavel.

MACON, ville de France sur la Saône, dans la duché de Bourgogne. César en parle [a], et lui donne le nom de Matisco. Les tables de Peutinger, et l’itinéraire d’Æthicus en parlent aussi ; mais Strabon et Ptolomée n’en disent rien. Il y a cinq cents ans que, par une transposition assez ordinaire, on changea Matisco en Mastico ; et c’est de là qu’est

  1. De Bello Gall., lib VII, fin.