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MILLETIÈRE.

tion des docteurs tint son esprit à la gêne ; car ils ne consentaient pas à toutes ses opinions, et il résistait à leurs remontrances. Il fut si choqué d’un sermon prononcé par un évêque, où le parallèle que l’on avait fait entre la vierge Marie et Jésus-Christ, la mettait en toutes choses au-dessus, ou pour le moins à côté du fils de Dieu, qu’il dit assez librement qu’il retournerait au giron de l’église protestante, en cas qu’il fut obligé de se trouver plusieurs fois à de semblables prédications [a]. Voyez les Mémoires de M. l’abbé de Marolles, qui avait pour lui beaucoup d’estime [* 1]. Il n’a jamais été ministre, quoique le père Jacob le fasse ministre de Charenton [b]. Il n’a pas été non plus médecin, comme s’est imaginé M. de Vigneul Marville à la page 229 de ses Mélanges. Il ne voulut pas avouer que l’un de ses livres eût été censuré par la Sorbonne, et néanmoins M. Rivet publia un acte qui portait le nom de la faculté (F). J’ai ouï dire que M. de la Milletière eut un fils qui fut tué à la guerre [c], et que l’une de ses filles fut femme d’un M. Catelan, secrétaire du conseil, et que de ce mariage sortit une fille qui fut mariée avec le comte de Jonsac. Il ne faut pas oublier l’ouvrage (G) qu’il dédia au roi d’Angleterre.

  1. * Milletière était en 1660, de l’assemblée des savans qui se tenait chez l’abbé de Marolles : c’est, dit Leduchat, ce qu’on voit dans une lettre de G. Patin.
  1. Ex eodem Sarravio, epistola CLXX, pag. 173, 174.
  2. Ludovicus Jacob à Sancto Carolo carmelitâ, Biblioth. Pontific. pag. 471.
  3. En Allemagne, l’an 1643. Voyez Sarrau, epist. LIII, pag. 51.

(A) On sait.... avec quelle ferveur il écrivit contre Tilénus, son ennemi particulier. ] Au commencement du mois de mars 1621 [1], on vit paraître sous le nom d’Abraham Elintus un avertissement à l’assemblée de la Rochelle [2], dans lequel ceux de la religion étaient fortement exhortés à se soumettre à leur prince, et à ne point entreprendre de se conserver par la guerre la possession des édits. Élintus était l’anagramme de Tilénus, auteur de cet avertissement. La Milletière, secrétaire de l’assemblée de la Rochelle, fit une réponse à cet imprimé, et l’intitula : Discours des vraies Raisons pour lesquelles ceux de la religion en France, peuvent et doivent en bonne conscience résister par armes à la persécution ouverte que leur font les ennemis de leur religion et de l’état. Tilénus répliqua par un livret qui avait pour titre : Examen d’un écrit intitulé Discours des vraies Raisons pour lesquelles ceux de la religion, etc. Voyez dans le VIIIe volume du Mercure Français [3], le contenu de ces deux ouvrages. Notez que la chambre de l’édit, séante à Béziers, fit brûler par la main du bourreau la réponse de la Milletière à l’Avertissement de Tilénus, et qu’elle ordonna qu’il serait enquis du nom de l’auteur. Cet arrêt fut prononcé le 6 octobre 1626. Voyez le XIIe volume du Mercure français [4]. Au reste le père Ange de Raconis, prédicateur capucin, s’est servi malignement de plusieurs extraits de ces écrits de Tilénus, et de la Milletière, et il nous apprend [5] que Dumoulin choisit entre tous la Milletière comme son bouclier d’Ajax, pour l’opposer au sieur de Raconis [6], lors de l’instruction de madame la baronne de Courville. Notez que Grotius n’approuva point que la Milletière eût publié un ouvrage si capable de rendre odieuse

  1. Mercure français, tom. VII, à l’an 1621, pag. 223.
  2. Il est inséré dans le Mercure Français, même.
  3. À la page 155 et suiv. Voyez aussi l’Hist. de l’Édit de Nantes, liv. VIII, pag. 423.
  4. À la page 607 et suiv.
  5. Ange de Raconis, Glaive de Jézabel, chap. III, pag. 313.
  6. Neveu du capucin.