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MILLETIÈRE.

affecta un grand zèle contre l’arminianisme ; qu’il ménagea la conférence de Caméron avec Tilénus ; et que par tous ces mouvemens il obtint la charge d’ancien au consistoire de l’église de Paris, et ensuite celle de député de la province à l’assemblée de La Rochelle ; qu’il eut la principale part aux résolutions tumultueuses de cette assemblée qui bouleversèrent l’état des églises ; qu’on sait assez sa conduite dans cette députation, et avec quelle ferveur il écrivit contre Tilénus, son ennemi particulier (A), et combien le succès de son voyage vers les états généraux fut éloigné de l’espérance qu’il en avait fait concevoir à l’assemblée de La Rochelle ; qu’étant de retour chez soi, il sollicita les affaires du duc de Rohan à la cour, et qu’il se rendit suspect d’avoir trempé dans des entreprises pernicieuses à la patrie, et dans des intelligences avec les étrangers ; qu’il fut pris, et qu’on l’envoya à Toulouse, où, après les douleurs de la question, et un long emprisonnement (B), il forma la première trame du syncrétisme ; qu’ayant recouvré sa liberté par la clémence du prince, et par l’intercession de ses amis, il s’engagea à faire rentrer dans la communion de Rome tous les réformés, et qu’il crut que c’était ainsi qu’il devait faire paraître sa reconnaissance pour la pension annuelle de mille écus qu’on lui donna ; qu’il fit imprimer plusieurs livres sur la réunion des religions (C), et que n’ayant pas déféré aux remontrances du consistoire de Charenton, il fut enfin excommunié, ce qui ne l’empêcha pas d’aller au prêche assidument ; qu’il soutint par une autre voie les dépenses de famille, ce fut en sollicitant comme beau-frère les procès d’une fameuse courtisane qui en effet lui était liée par ce degré d’affinité, car elle était la bâtarde du procureur dont il avait épousé la fille [a] ; qu’on ne niait pas qu’il ne fût enté sur des familles honorables, mais qu’on savait bien le métier que son aïeul avait exercé dans Orléans [b] (D). Voilà ce que j’ai tiré d’un livre imprimé l’an 1642. On peut voir ailleurs [c], que la Milletière était encore dans la profession extérieure de la religion réformée, l’an 1645, au temps du synode national de Charenton. Les procédures de cette assemblée contre lui l’obligèrent à se déclarer ouvertement [d] ; c’est-à-dire, qu’il se rangea à la communion romaine. Il fit son abjuration vers la fin de mars 1645. Il continua d’écrire sur la controverse, et de témoigner qu’il croyait aisée la réunion des religions (E). Le premier ouvrage qu’il publia depuis son abjuration fut celui qui contenait les motifs de son changement [e]. Il en commença plusieurs autres bientôt après et ne les acheva pas, soit que ses premières pensées discontinuassent à le charmer, soit que le besoin de l’approba-

  1. Taceo aliud culinæ suæ subsidium ex publicâ sollicitatione in curiâ negotiorum famosæ cujusdam meretriculæ tanquàm affinis suæ, est enim soceri sui spuria. Maresius in Antichristo revelato, pag. 565.
  2. Idem, ibid., p. 561.
  3. Dans l’article Amyraut, au texte, t. I.
  4. Voyez la lettre CX et CXIV de Sarrau, édition d’Utrecht, 1697.
  5. Sarravius, Epist. CXVIII, pag. 121.