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MILTON.

main, et par conséquent la cause principale d’un triomphe dont les suites seraient admirables. Considérez un peu ses chimères selon toutes les gradations où l’auteur anglais les a réduites. « Mais nous voici arrivés au plus spécieux endroit de toute votre épître. Qui est cette ridicule proposition que vous faites d’une conférence par l’autorité de votre monarque, et à la requête de notre roi, devant l’archevêque de Paris et son coadjuteur, entre des docteurs catholiques romains, et les ministres de l’église de cette grande ville, auxquels vous rendez avec justice un assez ample témoignage de zèle et de suffisance. Vous passez plus avant, car vous supposez que ces ministres accepteront la dispute, ou que par leurs tergiversations on leur verra trahir la faiblesse de leur cause : et vous concluez avec une assurance inimaginable, que ces mêmes ministres seront là convaincus de la fausseté de leur religion : et que leur conversion, ou conviction, donnera ample sujet au roi de la Grande-Bretagne d’embrasser la communion de Rome, et que sa conversion ramènera tous les protestans qui ont encore quelque conscience, au giron de l’église et à l’obéissance du saint-siége. Permettez un peu que je réduise au raccourci ces belles conséquences : si le roi de la Grande-Bretagne désire une conférence solennelle, le roi de France l’ordonnera ; s’il ordonne, les ministres l’accepteront ; s’ils l’acceptent, ils sont assurés d’être vaincus ; s’ils sont vaincus, le roi d’Angleterre changera de religion ; s’il change de religion, tous les protestans feront de même[1]. » On se figure aisément que la réponse d’où je tire ce passage contient une forte réfutation de ces illusions, et qui n’a pas coûté beaucoup de peine au prélat anglais.

  1. Là même, pag. 132, 133.

MILTON (Jean), fameux apologiste du supplice de Charles Ier., roi d’Angleterre[* 1], naquit à Londres, l’an 1608 (A). Il nous apprend lui-même [a], qu’après avoir étudié les langues, et un peu de philosophie dans le lieu de sa naissance, il fut envoyé à Cambridge où il continua ses études pendant sept ans, au bout desquels il retourna chez son père (B), qui se tenait alors à la campagne. Qu’ayant passé là cinq années dans la lecture des bons livres grecs et latins, il alla voyager en France et en Italie, à quoi il employa plus de trois ans. Que trouvant à son retour l’Angleterre dans les désordres de la guerre civile, il prit le parti de se tenir enfermé dans son cabinet, et de laisser les événemens aux soins de la Providence. Que l’autorité des évêques ayant été affaiblie, et chacun parlant contre eux, il espéra que ce grand commencement de liberté pourrait délivrer du joug de la servitude le genre humain. Qu’il se crut obligé d’y travailler selon ses forces. Que pour cet effet il fit deux livres sur les moyens de réformer l’église anglicane ; et puis quelques autres contre deux évêques qui avaient écrit en faveur de l’épiscopat. Qu’ayant vu la fin de cette dispute, il considéra qu’outre la liberté ecclésiastique, pour laquelle lui et tant d’autres avaient travaillé heureusement, il y en avait deux autres, savoir la domestique et la civile, qui n’étaient pas moins importantes. Qu’il tourna sa plume du côté de la liberté domestique, pen-

  1. * Dans leur traduction de Bayle, les Anglais firent beaucoup d’additions à cet article. Chaufepié les a comprises dans son dictionnaire.
  1. Defensione II pro populo anglicano pag. 60 et sequentibus editionis Hagæ Comitis, 1654.