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MONTGAILLARD.

MONTGAILLARD (Bernard de), connu sous le nom de Petit Feuillant (A) au temps de la ligue, fils de Bertrand de Percin, seigneur de Montgaillard (B), naquit l’an 1563. Il se fit feuillant l’année 1579, et il se mit à prêcher tout aussitôt, quoiqu’il n’eût pas étudié en théologie. Il prêcha à Rieux, à Rhodès et à Toulouse, avec tant de succès, qu’on lui appliquait les paroles de l’Écriture, bienheureux est le ventre qui l’a porté. La cour de France ne fut pas moins charmée de ses sermons que la province de Languedoc. Il s’en alla à Paris lorsque le roi Henri III y attira les feuillans, et il n’y eut pas plus tôt prêché deux fois, que le prince et la reine-mère voulurent qu’il fit le sermon que l’on devait faire aux augustins le jour de la création des chevaliers du Saint-Esprit. Il réussit admirablement dans ce sermon, et il n’eut pas un moindre succès en prêchant au Louvre et ailleurs ; et cela fit que le roi voulut qu’il prêchât tout un carême dans la paroisse royale de Saint-Germain-de-l’Auxerrois. Ces sermons, et ceux qu’il fit à Saint-Severin, lui acquirent la réputation du plus célèbre prédicateur qu’on eût vu de mémoire d’homme à Paris, tant il avait des talens pour la chaire, et principalement pour émouvoir et dominer les passions, et pour dompter les âmes. Quelques dévotes, et entre autres la demoiselle Acarie, le choisirent pour leur unique directeur (C). Il pratiquait tant d’austérités parmi les feuillans, que le pape lui commanda de quitter cet ordre pour empêcher qu’elles n’abrégeassent sa vie. Ayant épousé avec trop de feu les intérêts de la ligue (D), il se retira dans le Pays-Bas, où il fut fort considéré. Il fit quelques oraisons funèbres [a] par ordre de l’archiduc Albert, et puis celle de ce prince, l’an 1622 [b]. Il était alors abbé d’Orval. Il mourut hydropique dans cette abbaye, le 8 de juin 1628. Il avait toujours souhaité qu’on l’enterrât sous une gouttière, et ce ne fut que pour éviter le blâme d’affectation, qu’il consentit enfin que son corps fût mis au pied des escaliers qui vont du grand dortoir à l’église. On a publié sa vie, où l’on débite que Dieu fit de grands miracles, et pour lui, et par lui (E). On n’ose pas y nier qu’il n’ait couru de terribles médisances contre sa réputation (F) ; mais on soutient que c’étaient des calomnies, et qu’il n’attenta jamais à la vie de Henri-le-Grand [c] (G). Il

  1. Celle de l’archiduc Ernest, frère de l’archiduc Albert, et celle de l’impératrice leur mère.
  2. Cet archiduc décéda le 13 de juillet 1621. Sa pompe funèbre fut faite le 12 de mars suivant : l’abbé d’Orval fit le sermon.
  3. Tiré d’un mémoire qui m’a été communiqué par l’auteur des notes sur la confession catholique de Sancy, et sur le Catholicon d’Espagne. Il l’a tiré d’un livre dont il m’a envoyé le titre en ces termes : Les saintes montagnes et collines d’Orval et de Clairevaux : vive représentation de la vie exemplaire et religieux trépas du révérend père en Dieu don Bernard de Montgaillard, abbé de l’abbaye d’Orval, de l’ordre de Cîteaux au pays de Luxembourg, prédicateur ordinaire de leurs altesses sérénissimes, sur le modèle de l’incomparable saint Bernard, abbé de Clairevaux, et du grand législateur Moïse. Au jour et célébrité de ses exèques faites solemnellenent trois jours durant, en l’église d’Orval, les 10, 11, 12e. jours d’octobre, l’an 1628. Par révérend père en Dieu messire F.-André Valladier, docteur en théologie, conseiller, aumônier, et prédi-