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MONTGAILLARD.

supprimer dans ce livre-là, elles se trouvent ailleurs. Voici un passage du Catholicon, à l’endroit où est décrite la procession de la ligue : Entre autres y avait six capucins, ayant chacun un morion en tête, et au-dessus une plume de coq, revêtus de cottes de mailles, épée ceinte au côté par-dessous leurs habits, l’un portant une lance, l’autre une croix, l’un un épieu, l’autre une arquebuse, et l’autre une arbalète, le tout rouillé par humilité catholique : les autres presque tous avaient des piques qu’ils branlaient souvent, par faute de meilleur passe-temps, hormis un feuillant boiteux [* 1], qui, armé tout à cru se faisait faire place avec une épée à deux mains, et une hache d’armes à sa ceinture, son bréviaire pendu par derrière, et le faisait bon voir sur un pied faisant le moulinet devant les dames [1]. J’ai mis au bas la note de l’édition de 1677. L’auteur des nouvelles notes a observé dans la page 308, que cette action de frère Bernard de Montgaillard est très-véritable ; mais qu’elle ne fut point faite dans la procession pour les états de la ligue, l’an 1593, comme le suppose l’auteur du Catholicon : elle fut faite lors de la montre des ecclésiastiques et des moines au siége de Paris, l’an 1590. Il nous renvoie à M. de Thou dont je vais citer les paroles : Omnium oculos in se convertebat Bernardus è foliaceno ordine, adhuc juvenis, nuper Henrico III rege concionibus notus apud populum, qui altero pede claudus nusquàm certo loco consistens, sed hùc illùc cursitans, modò in fronte, modò in agminis tergo latum ensem ambabus manibus rotabat, et claudicationis vitium gladiatoriâ mobilitate emendabat [2]. M. Maimbourg va nous apprendre la part qu’eut ce moine aux horribles crimes des ligueurs [3] : « Les prédicateurs, dont les plus signalés étaient les curés Pelletier, Boucher, Guincestre, Pigenat, et Aubry ; le père Bernard de Montgaillard, surnomme le Petit Feuillant, et le fameux cordelier Feuardent, prêchant dans les paroisses de Paris durant les fêtes de Noël, changèrent leurs sermons en invectives contre la personne sacrée du roi, etc.... [4]. On reçut à Paris la duchesse avec toute sorte d’honneurs et une joie incroyable du peuple, qui la révérait comme la mère de deux saints martyrs ; et le Petit Feuillant [* 2], prêchant un jour en sa présence, s’emporta jusqu’à faire, en se tournant vers elle, une apostrophe au feu duc de Guise en ces termes : Ô saint et glorieux martyr de Dieu, béni est le ventre qui t’a porté, et les mamelles qu t’ont allaité ! » Il ne se contenta pas d’être en chaire un cornet de sédition ; car il suborna un assassin pour faire tuer Henri IV. Voyez la remarque (G).

(E) On.... débite que Dieu fit de grands miracles, et pour lui, et par lui. ] Il fut guéri deux fois par miracle, et avec l’intercession de la Sainte Vierge, sa protectrice. Le premier de ces deux miracles « se fit à Paris environ l’an 1589, par Roze, évêque de Senlis, qui, à la sollicitation du provincial des jésuites, consentit enfin à toucher la langue de cet homme, auquel un catarrhe mortel avait ôté la parole ; en sorte que la prononciation faite par le saint Roze du mot effata, suivi de l’hymne Ave maris stella, chanté par MM. de Mayenne et de Nemours avec les religieux du couvent, quand ce vint aux mots ut videntes Jesum, le mourant pour lequel on avait déjà dit l’oraison, Egredere anima christiana, dit Jesum, parla depuis, et prêcha le dimanche suivant, second jour d’après le miracle. L’autre aventure est de l’an 1619, auquel temps F. Bernard étant presque réduit au désespoir par une rétention d’urine de 14 jours, la vierge de Montaigu, à laquelle on avait fait une neuvaine pour lui, le délivra de vingt-deux livres d’eau, et d’une pierre qu’il rendit parmi [5]. »

  1. (*) C’était frère Bernard, dit le Petit Feuillant, qui se retira depuis en Flandre, où il a vécu long-temps possédant une abbaye.
  2. (*) Journal de Henri III.
  1. Catholicon, pag. 15.
  2. Thuan, lib. XCVIII, circà fin. pag. m. 359 ad ann. 1590.
  3. Maimbourg, Hist. de la Ligue, liv. III, pag. 295.
  4. Là même, pag. 305.
  5. Du Mémoire communiqué par l’auteur des Notes sur la Confession de Sancy.