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MONTMAUR.

de ce jésuite. Il les a exprimées fort noblement dans un ouvrage qu’on ne trouve presque plus chez les libraires. C’est pourquoi je ne serai point blâmable si je mets ici ses paroles. Vidimus quemdam nuper non expertem litterarum, sed cui nihil placeret, nec pulchrum videretur, nisi quòd esset suum. Hunc propter ipsius odiosissimos mores, nemo tùm poeta sive scriptor alius nefas duxit conscindere omnibus probris. Quanquàm non rectè nec ratione, meâ quidem sententiâ, et pessimo exemplo. Non enim, si dignus is contumeliâ ; perhonesti, graves, litterati viri digni tamen, qui contumeliam inferrent. Et erant alioquin in isto, quæ amare posses sinè moribus ; memoria, cognitio sermonis græci, varietas aliqua doctrinæ et copia ; undè discerent nonnihil etiam periti, quamvis hominem non probarent. Sed valuit nimirùm maledicentia, grata cunctis, etiam iis, qui neque sibi maledici, neque maledicere ipsi aliis velint. Atque hanc, ut à me antè dictum est, maledicentiam vetant, natura, ratio, mos, disciplina, jura, leges : ubique gentium ac terrarum, atque in omni memoriâ pœnæ maledicis graves propositæ. Crimen tamen impunitum persæpè et odim fuit, et nunc est, et erit, vel veterno et socordiâ, vel prævaricatione eorum, à quibus oportuerit pro officio vindicari. Ac multa peccant principes, et in his illud, quod tantam petulantiam, ità ut meretur, quantùmque possunt, non coërceant, nec populo caveant satis, nec privatos conservent ab injuriâ. Interim nutu divini numinis et providentiâ quid fit ? Ne ab istis quidem abstinetur tam lentè ferentibus probra in alios : immò linguas hominum magis infestas habent, minùsque sermones effugiunt obtrectatorum : et audire plerumque coguntur ipsi, quæ nolint, quia dealiis patiantur dici, quæ non debeant [1].

Voilà les autorités que j’avais promises. Il n’y a point de doute que si l’on s’arrête simplement aux déclarations formelles et libérales, le jésuite Vavasseur ne soit celui qui condamne le plus fortement les adversaires de notre homme : mais si l’on pèse les conséquences des expressions, Vigneul Marville est celui qui lance sur eux les arrêts les plus foudroyans ; car lorsqu’il déclare que Montmaur était un fort bel esprit, qui avait lu tous les bons auteurs de l’antiquité, et qui avait de grands talens, une intelligence profonde et du grec et du latin, une mémoire prodigieuse jointe à beaucoup de vivacité, etc., il accuse d’une injustice très-énorme les satires qui furent faites contre lui. Tout ce qu’il avoue à l’avantage de Montmaur, sont autant de coups de barre sur la tête des auteurs de ces satires, puisqu’elles s’accordent toutes à faire passer ce professeur pour le plus sot et le plus ignorant de tous les hommes ; et notez que les louanges qu’il lui a données doivent être d’autant plus de poids, qu’il n’a point dissimulé les défauts du personnage. Ce qu’il remarque de son insensibilité est surprenant, et je doute que l’on eût pu rien imaginer de mieux entendu, que de rire comme fit Montmaur des écrits de ses censeurs. Mais il y a lieu de s’étonner qu’un homme qui avait tant de lecture, tant de mémoire et tant de présence d’esprit, n’ait voulu rien composer en cette rencontre, et que dans toute sa vie il n’ait presque rien publié. Il faut croire que le feu de son esprit avait besoin de la présence des objets vivans, et que cette vaste mémoire se trouvait en quelque façon engourdie, lorsqu’il s’agissait de composer dans le silence et dans la retraite du cabinet [2]. Il faut croire, dis-je, que Montmaur expérimenta, comme quelques autres, qu’il y avait infiniment moins de peine à bien discourir sur-le-champ, qu’à composer un bon livre. Le moyen de rendre utile au public le savoir de ce professeur, aurait été de lui donner un disciple judicieux, qui ne l’eût presque point quitté, et qui eût recueilli tout ce qu’il lui eût entendu dire. Nous aurions en ce cas un Montmauriana qui serait peut-être un bon livre. Je crois qu’il y eut des gens qui désapprouvèrent le mépris de notre Montmaur pour les satires qui coururent

  1. Franciscus Vavassor, de epigrammate, cap. X, pag. 98, 99. Ce livre fut imprimé à Paris l’an 1672, in-8°.
  2. Conférez ce que dessus, remarque (B) de l’article Crémonin, tom. V, pag. 321.