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MORIN.

pourvu, dit-il, par mes travaux et par mes dépenses. J’en ai mis deux dans les couvens de Ville-Franche ; et, quant à la troisième qui veut un mari, je lui tiens tout prêts mille écus pour payer sa dot en argent comptant, dès que l’occasion en sera venue. Nec curent ampliùs de pecuniis necessariis ad conjugia nepotularum mearum...… Placuit enim DEO suam erga illas providentiam exercere meis laboribus atque expensis : duas enim feci religiosas Francopoli, in monasteriis B. Mariæ Visitationis et Divæ Ursulinæ ; et quia nubere vult tertia, ad hujus præsentaneam dotem, seorsim reposita sunt à me librarum tria millia. Quod absit à me dici vanitatis gratiâ : sed duntaxat ad repellendum à me tetrum illud avaritiæ sordidæ crimen, quod mihi imponit anatomista murium. Etenim pro tenuitate meâ etiam à puero fui semper liberalis ; quippè tantùm natus ad liberalitatem, quantùm Gassendus ad avaritiam, ut ex utriusque figuris cœlestibus atque vitâ patebit, nullisque unquàm peperci sumptibus pro veritatis et honoris mei defensione. Sique lucri et pecuniarum fuissem cupidus, plus quam centum millia librarum mihi comparâssem Parisiis, ex privatis solùm astrologiæ lectionibus ; sed nullos habere volui discipulos etiam magnates, mihi qualem voluissem mercedem offerentes [1]. Dans un autre livre [2], il fait savoir au public qu’il l’a mariée comme elle le souhaitait, et que les malheurs de la guerre ne l’en avaient point empêché. Ce n’est pas un grand miracle ; car il avoue que son revenu annuel était d’environ quatre mille francs [3]. Il se reconnaît redevable de cette fortune à l’astrologie. Ce fut par-là qu’il acquit les bonnes grâces de Marie de Médicis, qui lui fit donner la charge de professeur [4].

(K) Ce que Gui Patin a dit de lui vaut la peine d’être rapporté. ] « J’apprends que l’Astrologia gallica du sieur Jean Morin, natif de Ville-Franche en Beaujolais, jadis docteur en médecine de Valence [5], professeur du roi ès mathématiques dans notre collége royal, est enfin achevée à la Haye en Hollande : l’on m’a dit qu’il y a bien là-dedans des injures contre les médecins de Paris, et les autres aussi, qui ne veulent admettre ni l’astrologie judiciaire, ni la chimie ; et je ne n’en étonne pas, car cet homme était fou. Ce sont deux volumes in-folio, pour l’édition desquels la reine de Pologne a donné deux mille écus, à la recommandation d’un sien secrétaire qui aime l’astrologie. Voilà comment les princes sont trompés : si c’était un bon livre qui pût être utile au public, on ne trouverait point d’imprimeur, ni personne qui s’en voulût charger [6]. » Il avait dit dans une autre lettre [7] : Voici encore une mort que j’ai à vous annoncer. C’est celle du sieur Morin, Beaujolais, professeur du roi en mathématiques. Si bien que le voilà mort au bout d’un an, aussi-bien que M. Gassendi : mais ils n’ont garde de se mordre l’un l’autre, car l’un est à Saint-Nicolas-des-Champs et l’autre à Saint-Étienne-du-Mont. L’un était bien sage, et l’autre était fou et demi-enragé ; mais quoi qu’il en soit, c’est chose certaine qu’en l’autre monde ils auront le nez fait l’un comme l’autre, malgré toutes les mathématiques, et toute la prétendue judiciaire des astrologues, dont Morin était coiffé. Il est vrai que l’Astrologia gallica de Jean-Baptiste Morin fut imprimée à la Haye, l’an 1661. Ce n’est qu’un volume in-folio, divisé en vingt-six livres. L’auteur avait employé trente ans à le faire. Il espérait de le voir sortir de dessous la presse [8] ; car il en avait déjà envoyé les quatorze premiers livres au

  1. Ibid., pag. 120.
  2. In Præfat. Astrolog. gallicæ, pag. 31. Voici ses paroles : Tertiam ad votum suum marito copulavi etiam difficillimis bellorum nostrorum temporibus.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Il fallait dire d’Avignon.
  6. Gui Patin, lettre CCXXXIII, datée du 18 février 1661, pag. 319, du IIe. tome.
  7. La CVIII. Elle est datée du 7 de novemb. 1656. Voyez la page 419 du Ier. tome des Lettres de Patin.
  8. Jam editionis hujus operis trigenta annos integros accuratissime limati stabat in procinctu, librosque quatuordecim priores ad typographum Batavum transtulerat, cùm id meditantem mors oppressit. Vita Morini, pag. 12, num. 55.