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MORIN.

litum immanem edat [1]. L’auteur de sa Vie lui a fourni trois excuses : 1°. qu’il avait lu, dans un livre du cardinal Cusan, que les oracles de l’Écriture établissent la fin du monde à l’année 1675 ; 2°. qu’Alabaster, homme très-versé dans la cabale et dans la Bible, avait publié la même chose ; 3°. que plusieurs énergumènes en divers pays avaient déclaré à leurs exorcistes que la bête de l’Apocalypse était née. Cardinalis Cusani scriptoris minimè contemnendi conjecturam de ultimis temporibus legerat, quo libro ad annum 1675 totius orbis terminus ac interitus ex litteris astruitur inspiratis. Idem scripsit Anglus Alabaster in tubarum Spiraculis libro edito author, inquam, Orientis idiomata, et scripturas et cabalam mirificè callens. Complurium exorcismorum qui habentur excusi volutârat Morinus historias, in quibus passim energumeni in variis regionibus natam esse bestiam proclamârunt, quod creditu facile nequitia temporis nostri præstat et suadet [2]. Ne voilà-t-il pas trois belles raisons ?

(M) Il comprit... que tout ce que les péripatéticiens enseignent sur les formes substantielles est de la dernière impertinence. ] Si l’on ne le savait par expérience, on aurait de la peine à croire qu’il fût possible que des gens d’esprit, et qui emploient toute leur vie à philosopher, soutinssent [3] qu’une substance distincte de la matière est néanmoins matérielle, et ne subsiste que dépendamment de la matière ; qu’elle est tirée de la puissance de la matière sans y avoir existé auparavant ; qu’elle n’est composée, ni de la matière, ni d’aucune autre chose préexistante, et que nonobstant cela elle n’est pas un être créé : enfin que sans l’aide d’une connaissance qui la dirige dans ses opérations, elle produit la machine des animaux et celle des plantes. Ils soutiennent tous ces dogmes monstrueux, après avoir été accablés des objections d’un père Maignan, d’un Gassendi, etc. ; c’est ce qui étonne davantage. Morin reconnut toutes ces absurdités, et abandonna sur tous ces dogmes la secte péripatéticienne. Quæstionem de ortu vel productione formarum substantialium esse totius physices difficillimam : quæque maximorum virorum ac præsertim neotericorum ingenia torsit. Dùm alii volunt eas educi de potentiâ materiæ, alii ipsas de novo creari, alii eas produci à corporibus cœlestibus, alii eas esse tantùm quandam elementalium qualitatum proportionen ; sicque eas esse accidentales, et alii alia. Ego verò in Astrologiâ gallicâ, lib. 20, qui inscribitur, de actione universali corporun cœlestium, sectione 4, capitibus 7 : omnes hasce opiniones rationis examini subjicio, ac evidenter probo nullas ipsarum esse posse veras : omnium autem absurdissimam, esse eductionem formæ de potentiâ materiæ [4]. Le mal est qu’il substitua à ces doctrines une hypothèse bien environnée de difficultés. Il adopta le sentiment qu’il crut trouver dans les livres d’un Danois [5] ; savoir que la forme substantielle de chaque corps est un esprit immatériel que Dieu, dès le commencement de la création, a orné de la connaissance nécessaire à construire les organes à quoi cette forme doit être unie. Arbitror formam physicam substantialem corporum mixtorum (animâ rationali exceptâ) aliud non esse quàm spiritum immaterialem seminis cujusque rei ; cui Severinus ipse proprias et specificas attribuit signaturas internas coloris, odoris, saporis, mirabilemque scientiam à Deo inditam initio creationis, quâ seminis cujusque spiritus quilibet ad generationem excitatus à causis efficientibus, congrua sibi primo adsciscit rei generandæ principia corporis ac elementa, quæ sunt ipsius rei materia, à quâ ipsa forma primò et per se differt ; deindèque corporis sui fabricæ et organisationi incumbit per innatam ac essentialem sibi scientiam ipsam adeò regulariter ; ut ejusdem plantæ omnes flores inter se, folia inter se, et fructus inter se, conveniant in omnibus signaturis, et simi-

  1. Bernerius, Anatomia ridiculi muris, pag. 185.
  2. Vita Morini, pag. 16, num. 77.
  3. Voyez la remarque de l’article Gorlæus (David) tom. VII, pag. 160.
  4. Morinus, in Defens. Dissert., pag. 66.
  5. Petrus Severinus, in Ideâ medicinæ philosophicæ.