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MUSCULUS.

ministre. « Musculus, protestant, entreprit une nouvelle traduction de l’Histoire d’Eusèbe, qu’il fit assez heureusement : il s’est fort attaché à la lettre, il a traduit le texte avec beaucoup de netteté et de brièveté ; mais il n’a pas toujours bien entendu son auteur, et il a laissé plusieurs fautes dans sa version [1]. » On trouve que dans son Commentaire sur les Psaumes, il fait paraître « beaucoup plus de modestie, et même plus de respect pour l’antiquité, que la plupart des autres protestans ;..... que la méthode qu’il a suivie... est assez exacte ;.... qu’on peut dire que cet auteur a connu la véritable manière d’expliquer l’Écriture ; mais il n’a pas eu tous les secours nécessaires pour y réussir parfaitement, parce qu’il n’était pas assez exercé dans l’étude des langues et de la critique. Il examine cependant sans préoccupation les anciennes traductions grecques et latines, et il a eu assez de lumières pour connaître que les points, qui sont aujourd’hui dans le texte hébreu, n’y étaient point aux temps des Septante et de saint Jérôme [2]. » Vous verrez ailleurs [3] ce que l’on juge de son Commentaire sur l’Évangile de saint Jean, et sur l’Épître aux Romains. Baudouin remarque que Musculus débita dans ses Lieux Communs certaines choses qui auraient dû modérer l’esprit de Calvin, quant au supplice des hérétiques, mais qui l’enflammèrent davantage ; de sorte qu’écrivant sur Zacharie, il poussa ce dogme si loin qu’il semble qu’il veut mettre le glaive entre les mains des particuliers pour tuer les hérétiques [4]. Je ne garantis point le fait ; et je ne rapporte cela qu’afin de montrer à mes lecteurs que l’on a jugé que Musculus a désapprouvé le supplice de Servet. Quelques-uns croient que par un défaut ordinaire aux disputeurs, il s’éloigne tellement d’une extrémité, qu’il s’approche trop de l’autre, comme lorsque pour combattre les anabaptistes il diminue plus qu’il ne faut l’autorité des pasteurs. Voyez les passages que M. Crénius a recueillis sur ce sujet [5].

Notez que M. Simon prétend que Musculus, dans son Commentaire sur l’Épître aux Romains, se tient neutre entre les diverses manières d’expliquer la prédestination. « Il rapporte sur les endroits les plus embarrassés les explications des anciens commentateurs, et il n’est pas de lui-même fort décisif. C’est pourquoi sur ces mots du chapitre 9, itaque non volentis neque currentis, etc., il donne en abrégé les diverses interprétations qu’il avait lues, sans néanmoins prendre parti. Il tâche de concilier la grâce avec le libre arbitre, attribuant à l’un et à l’autre ce qui leur est dû : Ab hujusmodi contentionibus, dit-il, nos libenter abstinemus, credentes homini quidem esse voluntatem et conatum, sed quatenùs ad velle et currere divinitùs, vel ex gratiâ, vel ex indignatione Dei fuerit motus. Il improuve néanmoins l’opinion de ceux qui ont recours avec les pères grecs à la prescience de Dieu, croyant qu’elle ne se peut accorder avec la pensée de saint Paul : Hæc sententia planè aliena est à Paulo, qui omnia tribuit miserentis Dei liberæ voluntati et gratiæ [6]. » Je ne comprends point le ménagement de ce ministre ; car le passage latin que M. Simon rapporte contient en effet ce qu’il y a de plus rigide dans l’hypothèse de Calvin. Ceux qui combattent le franc-arbitre avec le plus de rigueur n’ont jamais nié que l’âme de l’homme, en tant que mue de Dieu, ne veuille et ne tende ou ici ou là.

(K) André Musculus... fut un ardent promoteur du dogme de l’ubiquité, et il s’expliqua d’une manière très-hardie. ] Hospinien observe que ce dogme fut inventé par Brentius, que Jacques André y ajouta l’hypothèse du corps majestatique de Jésus-Christ ; mais qu’elle parut eu-

  1. Du Pin, Biblioth., tom. II, pag. 4, col. 1, édition de Hollande.
  2. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, liv. III, chap. XIV, pag. m. 458.
  3. Le même, Histoire critique des Commentateurs du Nouveau Testament, chap. I, pag. 749 et suiv.
  4. Voyez Fr. Balduini Responsio altera ad Joh. Calvinum.
  5. Crenius, Animadvers., part. VII, pag. 149 et seq. Voyez-le aussi pag. 148.
  6. Simon, Hist. crit. des Commentat. du Nouveau Testament, chap. I, pag. 750.