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MAHOMET.

anges protégèrent merveilleusement la bonne cause.

(H) Il disait lui-même qu’il ne faisait point de miracles, et cependant ses sectateurs lui en attribuent beaucoup. ] Grotius s’est servi de cet aveu pour combattre le mahométisme, aprés avoir observé que Mahomet ne nie point les miracles de Jésus-Christ. Jesus visum cæcis, claudis gressum, ægrotis sanitatem dedit, imo fatente Mahumete, etiam vitam mortuis. Mahumetes [* 1] se missum ait non cum miraculis, sed cum armis. Secuti tamen sunt, qui ei et miracula attribuerent, at qualia ? Nempè quæ aut arte humanâ facilè possunt effecta reddi, ut de columbâ ad aurem advolante : aut quorum nulli sunt testes, ut de camelo noctu ei locuto ; aut quæ suî absurditate refelluntur [* 2], ut de magnâ lunæ parte in manicam ipsius delapsâ, et ab ipso remissâ ad reddendam sideri rotunditatem[1]. Je m’étonne que M. Simon ait oublié le beau miracle dont Grotius vient de nous parler, cette portion de la lune qui était tombée dans la manche de Mahomet, et que Mahomet renvoya au ciel, afin que cet astre ne perdit rien de sa rondeur. Voici les paroles de M. Simon[2]. Les mahométans attribuent quelques miracles à leur législateur. Ils assurent qu’il fit sortir de l’eau de ses doigts, et qu’en marquant la lune de son doigt, il la fendit. Ils disent aussi que les pierres, les arbres, les bêtes le reconnurent pour le véritable prophète de Dieu, et qu’ils le saluèrent en ces termes : Vous êtes le véritable envoyé de Dieu. Ils affirment de plus, que Mahomet alla une nuit de la Mecque à Jérusalem, d’où il monta au ciel ; qu’il vit là le paradis et l’enfer ; qu’il parla avec Dieu, quoique cela soit réservé aux bienheureux après la mort ; qu’enfin il descendit du ciel cette même nuit, et qu’il se trouva dans la Mecque avant qu’il fût jour. Mais ne quittons pas cette matière sans rapporter la remarque d’un docte allemand. Il dit que quelques chrétiens, poussés d’un faux zèle contre Mahomet, l’accusent de s’être vanté de certains miracles que les écrivains arabes ne lui ont jamais donnés. « Il y a des auteurs arabes qui attribuent des miracles à Mahomet ; mais les autres les nient. Par exemple, les premiers font dire à Mahomet, que la lune s’étant approchée de lui, il la fendit en deux. M. Pfeiffer remarque, après Beidavi, que jamais Mahomet n’a dit cela ; mais seulement, qu’avant le dernier jour, on verra ce prodige dans le ciel. Ils lui font dire qu’à la prise de la ville de Chaibar, une femme juive lui ayant présenté un agneau empoisonné, l’agneau tout rôti l’avertit de ne le manger pas. Mais Abulfeda rapporte simplement cette histoire, comme si Mahomet, en ayant goûté un morceau, et s’étant aperçu qu’il était empoisonné, avait dit, après l’avoir craché contre terre : Cet agneau me dit qu’il est empoisonné ; c’est-à-dire, je sens que cela est empoisonné. En effet, il confesse souvent, dans l’Alcoran, qu’il ne pouvait faire de miracles. C’est pourquoi il faut regarder comme une fable ce qu’on dit du pigeon qui venait manger dans son oreille, et du taureau qui ne voulait rien manger qu’il ne le lui donnait de sa propre main. M. Pfeiffer[* 3] reconnaît que les Arabes n’ont jamais rien écrit de pareil, et que ce sont des productions du zèle déréglé de quelques chrétiens contre cet imposteur [3]. »

Ne pourrions-nous pas représenter à M. Pfeiffer que les chrétiens en ont usé à l’égard des mahométans, comme ceux de la religion en usent à l’égard des catholiques ? Il y a dans quelques légendaires plusieurs miracles dont les auteurs graves de la communion romaine ne parlent jamais, ou même dont ils se moquent. S’ensuit-il que les protestans soient des calomniateurs, ou des écrivains

  1. (*) Azoara iii, xiv, xvii, xxx, lxxi.
  2. (*) Azoara LXIV. Vide latiùs hanc fabulam ex capite Ceramur, apud Cantacuzenum oratione in Mahumetem, n. 23
  3. (*) Pag. 272, 273.
  1. Grotius, de Veritate Religionis Christianæ, lib. VI, pag. m. 202. Il cite Azoara v, xiii.
  2. Simon, Histoire critique de la Créance des Nations du Levant, chap. XV, pag. 167.
  3. Augustus Pfeifferus, dans le VIIe. volume de la Bibliothéque universelle, pag. 257. Le livre dont l’extrait se trouve dans ce volume est intitulé : Theologiæ... Judaicæ atque Muhammedicæ principia sublesta et fructus pestilentes.