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MAHOMET.

ut si istarum modò una aliquandò noctu in terrâ appareret, totam eam facilè esset collustratura ; vel si in mare fortè dispueret, totam ejus salsedinem extingueret, inque mel dulcissimum commutaret[1]. J’ai trouvé une partie de ces choses dans une lettre de Clénard ; mais ce n’est que l’opinion d’un particulier : cela ne donne point droit de les imputer à tout le corps du mahométisme. Audi, quæso, ce sont les paroles de Clénard, quod hic mihi narravit præceptor dùm legeremus locum Alcorani de Paradiso, ubi sic scriptum est, et in eo uxores habituri sunt mundas. Mundas, inquit, id est, liberas à menstruis, scilicet ut quovis tempore liceat coire. Quid, inquam, an in paradiso celebrabuntur nuptialia ? Quid ni ? Attamen non est futura proles, inquit. Nam voluptatis causâ illic erunt uxores, non propagandis liberis, quin et singulis viris complures illic futuræ sunt uxores, pro meritorum ratione. Deusque huic plus, illi minùs virium largiturus est, ut vel paucis, vel multis reddat debitum[2]. Faisons la même remarque touchant ce que je vais dire. On ne doit point l’imputer à Mahomet, comme fait Pierre Belon : ce sont des contes, ou de fausses gloses de quelques docteurs visionnaires ou burlesques. Apres que les Turcs auront beu et mangé leur saoul dedans ce paradis, alors les pages ornez de leurs joyaux et de pierres precieuses, et anneaux aux bras, mains, jambes, et aureilles, viendront aux Turcs chacun tenant un beau plat à la main, portans un gros citron ou poncire dedans, que les Turcs prendront pour odorer et sentir : et soudain que chaque Turc l’aura approché de son nez, il sortira une belle vierge bien aornée d’accoustremens, qui embrassera le Turc, et le Turc elle, et demeureront cinquante ans ainsi embrassans l’un l’autre, sans se lever ne separer l’un de l’autre, prenans ensemble le plaisir en toutes sortes que l’homme peut avoir avec une femme. Et après cinquante ans, Dieu leur dira, ô mes seviteurs, puis que vous avez fait grand’ chere en mon paradis, je vous veuil monstrer mon visage. Lors ostera le linge de devant sa face. Mais les Turcs tomberont en terre de la clarté qui en sortira, et Dieu leur dira : levez vous mes serviteurs, et jouïssez de ma gloire ; car vous ne mourrez jamais plus, et ne recevrez tristesse ni desplaisir. Et levans leurs testes, voirront Dieu face à face : et de là chacun reprenant sa vierge, la menera dedans sa chambre au palais, où il trouvera à boire et à manger : et faisant grand’ chere, en prenant plaisir avec sa vierge, passera son temps joyeusement sans avoir peur de mourir. Voilà que Mahomet a racompté de son paradis, avec plusieurs autres telles follies, dont nous semble que l’origine des serrails des Turcs provient de ce que Mahomet a dit des pages et des vierges du paradis, car il dit que les vierges chastes furent ainsi créées de Dieu en paradis, et sont bien gardées et renfermées de murailles. Et dit Mahomet, que si une d’elles sortoit hors du serrail de paradis à la minuict, elle donneroit lumiere à tout le monde, comme luit le soleil : et que si l’une d’elles crachoit dedans la mer, l’eau en deviendroit douce comme miel [3].

(R) Il redouta...... les Persanes. ] Un auteur moderne[4], sans citer personne, m’apprend que ce séducteur avoua que l’appréhension seule des femmes de Perse, était cause qu’il n’allait point en ce pays-là, puisqu’elles étaient si pleines d’attraits, que les anges mêmes en pourraient devenir amoureux, et s’assujettir à elles. Il craignit apparemment qu’elles ne réglassent sa plume, et ses prétendues révélations, pour lui faire prononcer des lois trop efféminées [5], qui l’eussent fort décrié ; car il sentait bien que ses actions impudiques donnaient bien du scandale. Voyez la note[6].

  1. Hoornbeek, Summa Controv., pag. 175.
  2. Clenard, Epist., lib. I, pag. 42.
  3. Pierre Belon, Observations de plusieurs Singularités, liv. III, chap. IX, pag. 392.
  4. La Mothe-le-Vayer, lettre CXIV, tom. XII, pag. 11, 12.
  5. C’est-à-dire, trop favorables aux femmes, comme on le dit de quelques lois de Justinien dont l’épouse avait un fort grand crédit.
  6. On trouve ces paroles dans Brantôme, Dames palantes, tome I, pag. 304. Les Mores par un ancien et commun proverbe, disent que leur prophète Mahomet ne voulut jamais aller à