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MAHOMET.

dine explendâ concedens partes[1]. Il n’osa pas toujours étendre ses prérogatives ; car il se fit défendre d’enlever à l’avenir la femme de son prochain. Il se contenta d’apprendre au monde que Dieu approuvait le passé, à condition que l’on n’y retombât plus. Pour bien entendre ceci, il faut savoir que Mahomet, mari déjà de neuf femmes, en épousa une dixième qu’il avait ôtée à son valet. On en murmura ; le valet cria contre cette injure. Le faux prophète, pour faire cesser le scandale, fit semblant d’avoir envie de restituer ce qu’il avait pris ; mais, comme ce n’était pas sa pensée, il trouva bientôt le moyen de s’en dispenser. Il feignit que Dieu l’avait censuré de cette résolution, et lui avait ordonné de garder sa dixième femme, sans avoir la complaisance de déférer au scandale humain au préjudice de l’approbation céleste. Illam (uxorem servi sui Zaidis) constupratam mox quasi ex divino iterum oraculo desponsavit in urorem, quamvis novem aliis stipatus. Quare ut, tùm aliis hoc indignantibus factum, tùm servo Zaidi satisfaceret, introducit in Alkorano, capite citato, Deum se reprehendentem, quòd cogitâsset uxorem Zaido reddere, ob offensam, quam hinc nempe homines capiebant : et cùm diceres illi, cui Deus beneficia contulit, et tu quoque contulisti : accipe tibi uxorem tuam, et time Deum, et abscondebas in corde tuo quod Deus operabatur, et timebas homines, et Deus dignior est ut timeas eum. Cùm ergò Zaidus illam cognoverit, seu defloraverit eam, nos copulavimus eam tibi, ne sit fidelibus peccatum in uxoribus desideriorum eorum, cum cognoverint eas, et imperium Dei completum est : non est imputandum ad culpam prophetæ illud, quod Deus illi speciatim permisit [2]. Il s’aperçut bien que cela jetterait l’alarme dans l’âme de tous les maris ; c’est pourquoi il eut l’adresse de rassurer tout le monde : il publia qu’à l’avenir par ordre de Dieu il laisserait aux maris leurs femmes, encore qu’il en devînt amoureux [3].

(V) Un homme... fut accablé de pierres dans un puits sec. ] On verra cette aventure à la fin d’un long passage des Coups d’État qui va être rapporté, et qui contient plusieurs choses touchant notre faux prophète. [4] « Voyant qu’il était fort sujet à tomber du haut-mal, il s’avisa de faire croire à ses amis que les plus violens paroxismes de son épilepsie étaient autant d’extases et de signes de l’esprit de Dieu qui descendait en lui ; il leur persuada aussi qu’un pigeon blanc, qui venait manger des grains de blé dans son oreille, était l’ange Gabriel qui lui venait annoncer de la part du même Dieu ce qu’il avait à faire. Ensuite de cela, il se servit du moine Sergius pour composer un Alcoran, qu’il feignait lui être dicté de la propre bouche de Dieu. Finalement, il attira un fameux astrologue, pour disposer les peuples, par les prédictions qu’il faisait du changement d’état qui devait arriver, et de la nouvelle loi qu’un grand prophète devait établir, à recevoir plus facilement la sienne, lorsqu’il viendrait à la publier. Mais s’étant une fois aperçu que son secrétaire Abdala Ben-Salon, contre lequel il s’était piqué à tort, commençait à découvrir et publier telles impostures, il l’égorgea un soir dans sa maison, et fit mettre le feu aux quatre coins, avec intention de persuader le lendemain au peuple, que cela était arrivé par le feu du ciel, et pour châtier ledit secrétaire, qui s’était efforcé de changer et corrompre quelques passages de l’Alcoran. Ce n’était pas toutefois à cette finesse que devaient aboutir toutes les autres : il en fallait encore une qui achevât le mystère ; et ce fut qu’il persuada au plus fidèle de ses domestiques de descendre au fond d’un puits qui était proche d’un grand chemin, afin de crier lorsqu’il passerait en compagnie d’une grande multitude de peuple, qui le suivait ordinairement, Mahomet est le bien-aimé de Dieu ; Ma-

  1. Hoornbeek, Summa Controv., p. 116.
  2. Idem, ibidem, pag. 117.
  3. Non licebit tibi posthàc, O Mahomet, ut auferas uxores à viris suis, etiamsi earum pulchritudine captus fueris. Apud eumdem, ibid.
  4. Naudé, Coups d’État, chap. III, pag. m. 322.