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MAHOMET.

été si furieusement battu que, dans le temps que cette capitulation fut datée, savoir dans le 4e. mois de cette année, il n’était pas encore tout-à-fait relevé du coup, se trouvant alors plus bas qu’il n’eût jamais été depuis qu’il avait pris l’épée pour la propagation de son imposture. Outre cela il y a encore une autre particularité qui en découvre la fausseté d’une manière tout-à-fait manifeste. Suivant cette pièce Moawias, fils d’Abu-Sophian, était alors secrétaire de Mahomet et avait dressé l’écrit ; cependant il est certain que Moawias, avec son père Abu-Sophian, portait alors les armes contre l’imposteur ; et ce n’était que dans le temps de la prise de la Mecque, qui fut quatre ans après, qu’ils furent se joindre à lui pour embrasser son imposture, afin de sauver leurs vies[1].

(CC) Il était fort propre à se faire suivre comme le Messie que les Juifs attendaient. ] Il y a des auteurs qui disent que Mahomet pendant quelque temps se débita pour le Messie, et qu’il s’appliqua les oracles du Vieux Testament qui avaient été accomplis en Notre-Seigneur[2]. Par cette adresse il attira beaucoup de Juifs : le mauvais état où était cette nation dans l’Arabie la rendait plus propre à être trompée. On dit qu’ils ne rompirent avec lui que lorsqu’il s’enfuit de la Mecque, et l’on ne donne guère de bonnes raisons de cette rupture : car de dire, comme font plusieurs, qu’ils se dégoûtèrent de lui, à cause qu’ils lui avaient vu manger d’un chameau, c’est nous conter des sornettes ; et je ne comprends pas même qu’ils l’aient pris quelque temps pour le Messie, puisque d’un côté l’Écriture dit formellement que le Messie sortirait de la famille de David, et que de l’autre il était notoire que Mahomet n’en descendait point, et qu’il était de race païenne. Quoi qu’il en soit, citons les auteurs qui ont dit ce que je rapporte. Et quidem primis temporibus Muhammed se ipsum apud Chadigam uxorem, Arabes, Judæosque venditabat pro Messiâ, quem Judæi expectarent, ut est apud Enustinum in Geneal. Mahom. p. 10. Abbas Urspergensis in Chronico p. m. 150. Hic erat pseudo-propheta, sed apud illos magnus æstimabatur, ita ut etiam in principio adventûs ejus æstimarent hunc esse illum, qui ab eis expectatur Christus [3] ...... Secuti hunc sunt complures Judæi, qui Muhammedum illicò pro vero agnovêre Messiâ. Theophanes aliique istius temporis scriptores scribunt, judæos adhæsisse Muhammedo usquè ad cædem illius : μέχρι τῆς σϕαγῆς αὐτοῦ. Pro σϕαγἧς rectiùs legi ϕυγῆς, usquè ad fugam illius, monet vir litterarum græcarum peritissimus Isaacus Vossius in allegatis Sibyllinis Oraculis, p. 24, asserens Theophanem aliosque pravam secutos fuisse lectionem. Itidem tradunt recessisse Judæos à Muhammedo, cùm eum cameli carnibus vescentem conspexissent. Alias alii afferunt separationis causas[4]. Il est indubitable que les Juifs n’ont point suivi Mahomet jusques à sa mort ; car il les persécuta à toute outrance, et par le fer et par la plume : il les déteste dans plusieurs endroits de son Alcoran, et la guerre qu’il leur fit fut très-sanglante, et très-funeste pour eux[5]. Les Turcs suivent admirablement en cela le génie de leur prophète ; car ils ont plus d’aversion pour les Juifs que pour aucun peuple du monde, et ils ne souffrent point qu’un Juif qui s’est fait mahométan soit enterré dans leurs cimetières [6]. Mais ce qu’on débite, qu’ils ne veulent pas qu’un Juif qui désire embrasser le mahométisme passe tout d’un coup à la profession de foi, et avant que de se faire chrétien, est faux[7].

(DD) Les mahométans ont pour Mahomet une très-grande vénération. ] J’en pourrais marquer un grand nombre de circonstances, mais

  1. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 158, 159. édition d’Amsterdam, 1698.
  2. Pleraque Veteris instrumenti loca ad Messiam pertinentia impleverit, uti olim jam observatum Petro Cluniacensi apud Isaacum Vossium in scripto de Sibyllinis oraculis, pag. 25. Joh. à Lent. de Judæor. Pseudo-Messiis, pag. 28, 29.
  3. Joh. à Lent, de Judæorum Pseudo-Messiis, pag. 29.
  4. Ibidem, pag. 30.
  5. Voyez Hottinger, Histor. orient., pag. 214 et seq. Johan. à Lent. de Pseudo-Messiis Judæorum, pag. 30, ex Elmacino, pag. 6.
  6. Ricaut, État de l’Empire ottoman, liv. II, chap. III, pag. 325.
  7. Là même.