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NÉPHÈS OGLI. NÉRO.

y joignit la version latine qu’il en avait faite ; son épître dédicatoire à Antoine Perrenot, cardinal, est en grec et datée de Padoue. Il y traite avec le dernier mépris la version latine que George Valla en avait donnée, et qui avait été imprimée à Lyon, chez Gryphius, l’an 1538. Cet ouvrage fut inséré dans l’Auctarium de la Bibliothèque des Pères, l’an 1624, et il l’a été depuis dans les autres éditions de la même Bibliothéque. Il fut imprimé à part à Oxford, en grec et en latin, l’an 1671, in-8°. avec des notes.


NÉPHÈS OGLI. Ce nom signifie parmi les Turcs fils du Saint-Esprit, et on le donne à certaines gens qui naissent d’une façon extraordinaire, je veux dire d’une mère vierge. Il y a des filles turques, dit-on, qui se tiennent dans certains lieux à l’écart, où elles ne voient aucun homme. Elles ne vont aux mosquées que rarement ; et lorsqu’elles y vont elles y demeurent depuis neuf heures du soir jusques à minuit, y joignent à leurs prières tant de contorsions de corps, et tant de cris, qu’elles épuisent toutes leurs forces, et qu’il leur arrive souvent de tomber par terre évanouies. Si elles se sentent grosses depuis ce temps-là, elles disent qu’elles le sont par la grâce du Saint-Esprit ; et c’est pour cela que les enfans dont elles accouchent sont appelés Néphès Ogli [a]. Ils sont considérés comme des gens qui ont le don des miracles (A).


(A) Ils sont considérés comme des gens qui ont le don des miracles.] Un moine, qui a demeuré long-temps en Turquie, assure qu’on dit qu’il y a toujours deux ou trois de ces Néphès Ogli dans la ville de Brusezia [1], et que leurs cheveux ou les pièces de leurs habits guérissent toutes sortes de maladies. Dicuntur tales, ajoute-t-il [2], prodigiosé nasci, id est sinè virili semine, et per consequens tota eorum vita et actio supernaturalis et mirabilis credenda est [* 1].

  1. * Leclerc reproche à Bayle de ne pas dire un mot contre les prétendues miracles des Turcs, après avoir parlé contre ceux de l’église. Voyez tom. I, pag. 480.
  1. Georgiewitz, cap. I. Ita mihi narratum est, dit-il, à pedissequis earum, nam nec ipse vidi, nec aliquis virorum eorundem huic spectaculo interesse potest.
  1. C’est sans doute la ville de Pruse, dans la Bithynie, le premier siége que l’empire des Ottomans ait eu.
  2. Septem-Castrensis, de Moribus Turcoram, pag. 47. apud Hottingerum, Historiæ Orientalis pag. 295.

NERO (Bernard del), noble florentin, fut puni de mort, l’an 1497, pour n’avoir pas révélé une entreprise que Pierre de Médicis avait formée contre l’état [a] (A). Nous verrons dans la remarque que les lois de la patrie le soumettaient à cette peine, et qu’ainsi Louis XI n’est pas le premier qui ait fait une pareille ordonnance [b]. M. Varillas, beaucoup moins croyable que Guicciardin, suppose [c] que Bernard Néry (car c’est ainsi qu’il le nomme) fut le principal directeur de l’entreprise, et [d] que Savonarole était d’avis que l’on fît grâce aux coupables [e].

(A) Il fut puni de mort… pour n’avoir pas révélé une entreprise… formée contre l’état.) Chacun se souviendra du destin de M. de Thou [1], le fils de l’historien, et bien des gens ne verront pas avec joie la parenthèse de Guicciardin dans le passage que

  1. Guicciardin, liv. III, folio m. 97.
  2. Voyez la remarque (M) de son article.
  3. Varillas, Anecdotes de Florence, pag. 212 et suiv.
  4. Là même, pag. 216.
  5. Voyez tout Le contraire dans La remarque (F) de l’art. Savonarola, tom. XIII.
  1. Voyez la remarque (M) de l’article Louis XI, tom. IX, pag. 410.