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NAOGÉORGUS.

Or il est certain qu’avant lui une infinité d’auteurs avaient accusé Annius d’être un imposteur. Voyez dans Moréri le passage d’Antonius Augustinus [* 1]. Ce qu’il y a d’admirable est que dans un livre où Théophile Rainaud n’était pas de mauvaise humeur contre les dominicains, comme quand il se déguisa sous le nom de Petrus à Valleclausâ, il déclare que, vu la qualité de dominicain que Jean Annius a portée, il aime mieux le croire innocent [1]. Finissons par les paroles d’un luthérien, qui a cru que les auteurs qu’Annius a publiés sont légitimes, et que si l’on y trouve des fautes, il ne faut point les imputer à ce moine, mais à l’ignorance ou à la mauvaise foi des copistes et des traducteurs. Quod enim, dit-il [2], per Deum immortalem, prodigium fuerit claustralem illum et minimè tam profundè doctum monachum talia comminisci posse ? Ais multa inesse ficta, minimè pro iis actoribus. Nec nos negamus interpolatos universos illos auctores, ruptos, fractos, minimè bonâ aut fide aut intelligentiâ translatos ; tamen antiquitùs ex legitimis verisque auctoribus excerptos, talia argumenta sunt, ut quæ contrà afferuntur omnia evanescant. Vel unum Catonem mihi vide. Cense, recense, damna etiam ut libet, videbis tamen veri illius Catonis, et fateberis etiam, ingenium stilumque hic superesse, quos mentiri aut fingere non fuit talium hominum.

  1. * Le passage d’Antonius Augustinus ne renferme qu’un conte, et est réfuté dans les dernières éditions de Moréri, dit Leclerc. Il a cependant été adopté par Niceron, dans son tome XI.
  1. Fortassis tamen ab alio quopiam impositum est ipsi Annio, quem doli expertem fuisse malo existimare, cùm religiosum institutum prædicatorum sit professus. Th. Raynaudus, de malis ac bonis Libris, num. 269, pag. m. 164.
  2. Barthius, in Animad versionibus ad Gallum, pag. 62.

NAOGÉORGUS [a] (Thomas), natif de Straubinge dans la Bavière, vivait au XVIe. siecle. Il composa plusieurs vers latins (A), qui ne plaisent guère aux catholiques romains ; car il décrit satiriquement tous leurs abus. Un docteur de Sorbonne [b], qui publia, l’an 1670, quelques traités contre la fête du Roi-boit, observe que Naogéorgus n’a pas oublié de reprocher aux catholiques les superstitions et les excès de cette fête. Le nom allemand de cet auteur était Kirchmaier [c]. C’était un homme qui entendait assez bien le grec (B). Il naquit l’an 1511, et mourut l’an 1578 ou environ [d].

L’une de ses pièces de théâtre fut représentée à Heidelberg, sous une constellation si bénigne, qu’on a prétendu que le ciel se déclara en sa faveur (C). La chose mérite d’être rapportée.

  1. Et non pas Naogeorgius, comme l’appelle Borrichius ; ou Neageorgius, comme l’appelle Konig.
  2. Jean Deslyons, doyen et théologal de Senlis, pag. 139, 241, 242, citant le IVe, livre du Regaum papisticum.
  3. Epitome Biblioth. Gesneri.
  4. Baillet, Jugemens sur les poëtes, num. 1323.

(A) Il composa plusieurs vers latins. ] Le plus célèbre de ses poëmes est celui qui a pour titre : Bellum [* 1] papisticum. Il le publia l’an 1553, et le dédia à Philippe, landgrave de Hesse. Il est en vers hexamètres, et divisé en quatre livres. L’auteur demeurait à Bâle lorsqu’il le fit imprimer. Il composa quelques tragédies qu’on pourrait nommer de controverse. Telle est celle qu’il intitula Pammachius, et qu’il dédia à Crammer, archevêque de Cantorbéri, et dont le prologue commence par ces quatre vers :

Quid adferamus si vacat cognoscere
Spectatores, paucis exponam singula :
Pammachium, qui Romanus est episcopus,
Evangelicæ doctrinæ cepit tædium.


Elle parut l’an 1537. Telle est encore celle-ci [1], Incendia, sive Pyrgo-

  1. * La Monnoie observe que Bayle devait dire regnum et non bellum. Mais Joly remarque que ce ne peut être qu’une faute d’impression ou de copiste, puisque dans la note (b) sur le texte, Bayle a écrit regnum.
  1. Publiée à Wittemberg, l’an 1538.