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NANNIUS.

Sabellie furent les premiers qui témoignèrent que ces auteurs leur paraissaient supposés.

(C) Il s’élève de temps en temps certains auteurs qui le protégent. ] Quand j’ai dit que la plupart des savans considèrent comme supposées les pièces qu’Annius donna au public, je n’ai pas prétendu nier que des auteurs bien célèbres ne les aient prises pour légitimes. Vossius [1] nomme entre ceux-là Léandre Alberti, Nauclérus, Driedo, Valère Anselme, Jean Lucidius, Médina, et Sixte de Sienne. Si nous en croyons Altamura [2], il leur faut associer Pinéda ; mais Théophile Rainaud [3] le compte entre ceux qui ont rejeté les écrivains d’Annius. Je trouve qu’Albert Krantz, et Sigonius qui plus est, ont tenu pour légitimes ces écrivains. Voici un passage de Sigonius : Quibus epitomis (Catonis) meritò tantam ego tribuo auctoritatem, quantam incorruptis veteribus monumentis meritò tribuenda est [4]. Un dominicain d’Italie, nommé Tomasio Mazza, publia un in-folio [5] à Vérone, l’an 1673. En voici le titre : Apologia pro Frate Giovanni Annio Viterbese. Son principal but est de prouver que s’il y a eu là quelque fraude, il ne la faut point imputer à Annius : mais il passe plus avant ; il soutient que ces ouvrages sont légitimes, et il tâche de répondre à toutes les objections. Cette apologie ayant été critiquée, le père Macédo s’éleva contre le critique, non pas à dessein de soutenir que le Bérose, etc. publié par Annius, soit le vrai Bérose, mais pour faire voir qu’Annius n’a pas forgé ces manuscrits [6]. Un apologiste plus moderne prétend l’un et l’autre : il se nomme Didimus Rapaligérus Livianus. Il publia à Vérone, l’an 1678, un ouvrage in-folio, intitulé I Gothi illustrati, overo Istoria de i Gothi antichi [7], dans lequel il ramasse toutes les raisons qu’il peut, pour faire voir que les écrivains qu’Annius a publiés sont légitimes ; et qu’en tout cas ce dominicain ne les a point fabriqués. On sait, dit-il, que le Bérose lui fut donné à Gênes par le père George d’Arménie, dominicain, et qu’il avait trouvé tous les autres, hormis Manéthon, chez un certain maître Guillaume de Mantoue. Ainsi, quoique nous ne sachions pas d’où il a tiré Manéthon, nous devons croire qu’il ne l’a pas supposé : sa candeur à l’égard des autres lui doit servir de garant par rapport à celui-ci. Or comme on l’accuse d’avoir produit des tables de marbre sur le pied d’antiques, quoiqu’il les eût lui-même forgées, ce même auteur prend son parti là-dessus, et fait voir que cette accusation est calomnieuse, puisque ces tables furent découvertes, les unes avant la naissance d’Annius, et les autres par des gens qui les présentèrent au pape Alexandre VI. E tacciato per impostore d’alcune tavole di marmo dalle quali diede in luce la spiegazione. Se pero si deve ponderare la verità, con sodi argomenti quest’ autore libera dall imposture de suoi avversarii Annio, con provar evidentemente esser le due tavole da lui chiamate Libiscille, dal luogo ove furono trovate, state dissepellite molto tempo avanti che Annio nascesse.... E in quanto alle due Cibelarie, e la Longobarica, furono da altri trovate e presentate ad Alessandro VI per tacere dell’ Osiriana che avanti che nascesse Annio, fu resa alla luce [8].

(D) Les dominicains... se contentent d’alléguer qu’Annius ne fut pas un imposteur. ] Je viens de citer des gens qui ont travaillé à le défendre, et je renvoie mon lecteur à l’Appendix d’Altamura [9], où l’on trouve le nom de plusieurs autres apologistes. J’ai été surpris d’y voir qu’Altamura ne connaît aucun auteur qui, avant Petrus à Valleclausâ ait accusé d’imposture Annius de Viterbe. Souvenons-nous que ce Petrus à Valleclausâ, auteur du livre de Immunitate Cyriacorùm à censuris, n’est autre que Théophile Rainaud.

  1. De Hist. Latinis, pag. 609.
  2. In Bibiliothecâ Dominican.
  3. De malis et bonis Libris, pag. 164.
  4. Sigonius, de antiquo Jure Italiæ, lib. I, cap. XXV, folio m. 54 verso.
  5. Le Journal d’Italie, du 28 février 1674, en parle.
  6. Voyez le Journal d’Italie, du 26 de janvier 1675.
  7. Voyez le VIIIe. Journal d’Italie, de l’an 1678, pag. 120.
  8. Giornale VIII de Letterati, 1678, p. 122.
  9. Appendix Bibliothecæ Dominican., p. 527.