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PATIN.

jugea de même. Les lettres de Guy Patin sont remplies de faussetés. Nous en remarquâmes un grand nombre, M. Bigot et moi. M. Patin ne prenait pas de précaution dans ce qu’il écrivait ; et la préoccupation lui faisait croire mille choses qui n’étaient pas[1]. Voyez le Journal de Leipsic, au mois de mai 1684[2]. On fait espérer les Lettres latines de Guy Patin, qui seront accompagnées d’un bel et savant éloge, composé par M. Théveneau, médecin de Nevers[3][* 1].

(C) Ses Lettres font …… tort à la ville de Paris, qu’elles représentent comme infectée d’une corruption effroyable. ] On ne finirait jamais, si l’on voulait recueillir toutes ses plaintes sur un tel sujet : bornons-nous donc à ce qu’il observe sur le crime de ces femmes impudiques qui font périr leurs enfans. « On fait ici un grand bruit de la mort de mademoiselle de Guerchi. On avait mis prisonnière dans le châtelet la sage-femme ; elle a été traduite dans la conciergerie, par arrêt de la cour. Le curé de Saint-Eustache a refusé sépulture au corps de cette dame : on dit qu’on l’a porté dans l’Hôtel de Condé, et qu’il y a été mis dans la chaux, afin de le consumer plus tôt, et qu’on n’y puisse rien reconnaître, si on en venait à la visite. La sage-femme s’est assez bien défendue jusques à présent ; mais aliæ admovebuntur machinæ, aliæ artes adhibebuntur ad eruendum verum : je crois qu’elle sera mise à la question. Les vicaires généraux et les pénitenciers se sont allés plaindre à monsieur le premier président, que, depuis un an, six cents femmes, de compte fait, se sont confessées d’avoir tué et étouffé leur fruit ; et qu’ils y ont particulièrement pris garde, sur l’avis qu’on leur avait donné[4]. » Puisque j’ai entamé cette aventure, il faut que j’en fasse voir la suite.[5] Il court ici un libelle de huit pages in-4o.[6], par lequel il est prouvé, que le crime, dont la dame Constantin, sage-femme, est depuis peu accusée, n’est qu’une suite de la doctrine des jésuites ; et aussi pour détromper les dames qui se laissent abuser par cette erreur, sous prétexte que ces pères l’enseignent dans leurs livres. On dit que la sage-femme se défend fort bien ; elle avoue que madame de Guerchi est morte chez elle, mais qu’elle ne lui a donné aucun breuvage ; qu’elle vint chez elle fort malade, où elle mourut en criant cruellement ; qu’elle a ouï parler d’un certain breuvage que ladite dame avait pris, mais qu’elle ne savait ce ne c’était, ni qui l’avait fait …[7] La dame Constantin, sage-femme, est encore dans le châtelet en prison : elle doit être demain interrogée. N. et le Large ont reçu assignation pour y venir répondre de leurs faits de la déposition qu’ils ont donnée, an ut ibi fatis cedat pædore carceris, et metu lethalis supplicii confectâ ? On dit qu’elle se défend bien, et qu’il n’y a point assez de preuve contre elle pour la condamner à mort ; mais on attend des monitions que l’on va faire publier par toutes les paroisses de la ville et faubourgs de Paris : d’autres disent qu’on la veut sauver, et qu’elle est trop bien recommandée par les plus grands. Néanmoins on croit bien qu’elle mérite la mort et au delà ; et que si on la pendait, elle ne mourrait pas innocente : on dit que sa maison était un bordel public, et que quantité de garces allaient accoucher là-dedans, vel abortum passuræ…[8] Le mercredi 14 juillet, la dame Constantin, sage-femme, a été condamnée au châtelet,

  1. * Les Lettres choisies de Guy Patin, dans les plus amples éditions, ont trois volumes in-12. On y ajoute : 1o. Nouveau Recueil de lettres choisies de feu M. Guy Patin, écrites à MM. Belin père et fils, docteurs médecins de Troyes, tomes IV et V indépendans des trois premiers, 1695 ou 1725, deux volumes in-12 ; 2o. Nouvelles Lettres de feu M. Guy Patin, tirées du cabinet de M. Charles Spon, Amsterdam, 1718, deux volumes in-12. Voyez la remarque critique sur la remarque (A).
  1. Ménagiana, pag. 279 de la première édition de Hollande.
  2. Pag. 248 et seq.
  3. Voyez la préface des Lettres de Guy Patin, édition de 1691.
  4. Patin, lettre CLXXXIV, datée du 22 de juin 1660. Voyez la page 113 du IIe. tome.
  5. Le même, lettre CLXXXV, pag. 119 du même tome.
  6. Il fut brûlé par la main du bourreau, à la Croix du Tiroir, par ordonnance du lieutenant civil. Patin, lettre CXC, pag. 142, 143.
  7. Le même, lettre CLXXXVII, pag. 130, 131.
  8. Le même, lettre CLXXXVIII, datée du 16 juillet 1660, pag. 136.