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PATIN.

à être pendue et étranglée, après avoir été mise à la question, d’où elle a appelé, et a été transférée en la conciergerie : on croit que la semaine prochaine, le sentence sera confirmée à la Tournelle… [1] La sage-femme est toujours prisonnière. On dit que ce ne sera pas pour la semaine prochaine, et que monsieur le procureur général appelle contre elle de sa sentence à minimâ ; qu’il veut donner de rudes conclusions contre elle ; qu’elle devrait être brûlée toute-vive, si elle ne nomme tous ses complices. Enfin il apprend à son ami, dans une lettre datée du 16 d’août 1660[2], que la Constantin fut pendue, « damnata fuit laqueo infelix obstetrix et suffocata, en belle compagnie, à la Croix du Tiroir[3]. » Nous avons vu la conclusion de la tragédie, tant à l’égard de l’accoucheuse, qu’à l’égard de l’accouchée ; mais voyons une partie des préliminaires touchant celle-ci. Je ne les garantis pas pour véritables : s’ils sont faux prenez-vous en à l’écrivain que je cite[4]. « Le duc de Joyeuse adressa ses vœux à mademoiselle de Guerchi, compagne de mademoiselle de Pons[5], qui le sacrifia bientôt après au commandeur de Jars, de la maison de Rochechouard[6] … Elle quitta le commandeur de Jars pour s’abandonner à Jeannin de Castille, trésorier de l’Épargne, et elle se conduisit avec si peu de retenue, que la reine la chassa de la cour. Le duc de Vitry ne laissa pas de s’embarquer avec elle, et de la traiter avec autant de respect, que si elle eût été toujours fort chaste, quoiqu’elle eût eu déjà quatre ou cinq enfans de plusieurs pères. Elle devint grosse encore une fois, et le duc voulut qu’elle se fit accoucher pour conserver sa réputation, qu’il ne croyait pas aussi perdue qu’elle était. Elle eut beau lui dire qu’elle serait ravie d’avoir ce gage de son amitié, il voulut absolument qu’elle fît périr ce fruit de leurs amours, et lui envoya une sage-femme qu’on nommait la Constantin, qui voulut la faire accoucher par force ; mais elle mourut dans l’opération, et la Constantin fut pendue. Le duc de Vitry demeura inconsolable de sa mort, et conserva si chèrement sa mémoire, qu’il s’embarqua depuis avec une coureuse, parce qu’elle lui ressemblait. Cette femme s’étant enrichie de ses bienfaits, épousa ensuite le marquis de Goudron, cadet de la maison de Gamache. » Ces citations ne m’écartent pas de mon sujet autant que l’on s’imagine ; car elles contiennent des preuves du texte de cette remarque, ou en tout cas elles fortifient ce que Guy Patin débite. Outre que je ne me fais pas une affaire d’être critiqué comme un trop long citateur, pourvu que j’épargne à une bonne partie de mes lecteurs le déplaisir de n’être instruits qu’à demi, ou la peine d’aller chercher la suite des choses en sautant de livre en livre. Mais quoi qu’il en soit, voici une citation mieux alliée avec le narré de M. Patin.

M. de Thou rapporte qu’en 1557 on fit une loi qui condamnait à la mort, comme coupables de parricide, toutes les femmes qui auraient caché, ou leur grossesse, ou leurs couches, et qui n’apporteraient pas des attestations touchant l’état où leur enfant serait né, si d’ailleurs on avait des preuves qu’il aurait été enterré sans cérémonie, et sans avoir reçu le baptême. Eâ lege sancitum, ut quæ graviditatem partumve celâsset, neque alterutrius testationem aut de edito fœtu seu vivo seu mortuo proferret, si eum lavacro justisve exsequiarum privatum probationibus constaret, de illâ tanquàm parricidii reâ ultimum supplicium sumeretur[7]. Depuis ce temps-là ce crime fut puni plus sévèrement qu’aucun autre ; et afin que personne ne prétendît cause d’ignorance, les juges faisaient toujours in-

  1. Patin, lettre CXC, pag. 144.
  2. La CXCIVe., pag. 162 du IIe. tome.
  3. Je crois que c’est d’elle que l’abbé de Marolles parle dans le passage qui sera cité ci-dessous, citation (63). Conférez avec cela les Mémoires de Chavagnac, pag. m. 210.
  4. Galanteries des Rois de France, tom. II, pag. 198, édition de Bruxelles, 1694.
  5. Cela veut dire qu’elle était fille d’honneur de la reine mère Anne d’Autriche.
  6. Galanteries des Rois de France, tom. II, pag. 210.
  7. Thuan., lib. XIX, pag. 395, ad annum 1557.