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PAULICIENS.

deur qui se puisse concevoir. Les anciens pères n’ont pas ignoré que la question de l’origine du mal ne fût très-embarrassante (K). Ils n’ont point pu la résoudre par l’hypothèse des platoniciens, qui au fond était une branche de manichéisme (L), puisqu’elle admettait deux principes ; ils ont été obligés de recourir aux priviléges de la liberté de l’homme ; mais plus on fait réflexion sur cette manière de dénouer la difficulté, plus éprouve-t-on que les lumières naturelles de la philosophie fournissent de quoi serrer et embrouiller davantage ce nœud gordien (M). Un savant homme prétend que les pythagoriciens donnèrent lieu à cette question épineuse. Ils cherchaient en toutes choses les superlatifs, c’est-à-dire que par leurs interrogations ils tendaient à la connaissance de ce qui occupe le plus haut degré dans chaque espèce. Ils demandaient, par exemple, qu’est-ce qu’il y a de plus fort, de plus ancien, de plus commun, de plus véritable ? On répondait, à l’égard du dernier point, que les hommes sont méchans, et que Dieu est bon. Cela fit naître cette autre demande, d’où peut venir que, Dieu étant bon, les hommes sont criminels (N) ? La solution de cette difficulté a paru très-importante à Simplicius[a].

  1. Voyez la rem. (N), citat. (138).

(A) On avait fait un si grand carnage de ces hérétiques sous l’impératrice Théodore. ] Il en est parlé dans le supplément de Moréri[1] : on y cite le père Maimbourg, dont voici les propres paroles. « Théodora... se résolut de procurer efficacement la conversion de ces Pauliciens, ou d’en délivrer l’empire, s’ils s’opposaient opiniâtrement à leur véritable bonheur..... Il est vrai que ceux à qui elle en donna la commission, et des forces pour travailler, en usèrent avec trop de rigueur et de cruauté, parce qu’au lieu de s’appliquer d’abord à les ramener doucement, et avec charité, à la connaissance de la vérité, ils se saisirent de ces misérables, qui étaient épars dans les villes, et dans les bourgades ; et l’on dit qu’ils en firent mourir près de cent mille hommes dans toute l’Asie, par toutes sortes de supplices, ce qui obligea tout le reste à s’aller rendre aux Sarrasins, qui surent bien s’en servir quelque temps après contre les Grecs. Mais l’impératrice, qui n’eut point de part à cette inhumanité de ses lieutenans, ne laissa pas d’en tirer cet avantage, que l’empire du moins fut nettoyé de cette vermine durant son règne de quatorze ans [2]. » Voilà des manières de convertir tout-à-fait mahométanes, et qui confirment ce que l’on a dit ailleurs [3], que les chrétiens ont été infiniment plus cruels que les sectateurs de Mahomet, contre ceux qui n’étaient pas de leur religion.

  1. Sous le mot Pauliciens.
  2. Maimbourg, Histoire des Iconoclastes, liv. VI, pag. 263, édition de Hollande, à l’ann. 845.
  3. Dans l’article Mahomet, tom. X, p. 67, remarques (O) et (AA) pag. 80.

(B) Les prédicateurs qu’ils envoyèrent dans la Bulgarie. ] Pierre[1] de Sicile, qui fut envoyé, par l’empereur Basile le Macédonien, à Tibrique en Arménie, une des places de ces hérétiques, pour y traiter de l’échange des prisonniers...[2], découvrit, durant le temps de son ambassade, qu’il avait été résolu, dans le conseil des pauliciens, d’envoyer des prédicateurs de leur secte dans la Bulgarie, pour en séduire les peuples nouvellement convertis. La Thrace, voisine de cette province, était, il y avait déja long-temps infectée de cette hérésie. Ainsi il n’y avait que trop à craindre pour les Bulgares, si les

  1. M. de Meaux, Histoire des Variations, liv. XI, num. 14.
  2. Là même, num. 16.