Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T11.djvu/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
565
PERGAME.

Canus a jugé fort sainement des écrivains légendaires, lorsqu’il a dit que la vie des anciens philosophes a été écrite avec plus de jugement que celle des saints du christianisme. On y regarde de plus près depuis ce temps-là ; les actes des nouveaux saints ne sont pas chargés de tant de choses choquantes : il est pourtant vrai qu’on s’y néglige encore un peu trop. Voici la suite d’un passage que j’ai rapporté ailleurs[1] : ce qui est plus à rire, ma commère (dit la femme d’un procureur de la paroisse Saint-Germain), c’est qu’en allant à l’église des carmes déchaussés, j’entendis crier la vie et miracles de madame sainte Thérèse : j’en voulus acheter une, afin de pouvoir gagner les indulgences : mais comme je fus retournée au logis, mon mari commença à lire, et fut étonné qu’on avait attribué deux pères à sainte Thérèse, le premier le roi Dom Bermude, et le second Alonse Sanchez de Cépède[2]. On suppose que ce discours fut tenu à l’occasion de la canonisation de sainte Thérèse, l’an 1622. L’auteur du livre n’était pas de la religion ; il parle très-mal des protestans.

  1. Dans la remarque (CC) de l’article d’Hadrien VI, tom. VII, pag. 437.
  2. Caquet de l’Accouchée, seconde journée, pag. 7.

PERGAME, ville d’Asie dans la Mysie, devint fort célèbre sous les rois qui succédèrent à Philétærus. Sa situation était très-avantageuse (A). Ce fut d’abord une forteresse bâtie sur une montagne [a]. Lisimachus, l’un des successeurs d’Alexandre, y enferma ses trésors, et en confia le gouvernement à une personne qui, profitant des conjonctures, s’en appropria la possession (B), comme on le verra ci-dessous. La magnifique bibliothéque (C) que les rois de Pergame dressèrent, et le temple d’Esculape (D), furent les principaux ornemens de cette ville. Vous trouverez dans Moréri qu’elle fit bâtir un temple à l’empereur Auguste, et à la ville de Rome[b], et que Galien en était natif. Plusieurs autres hommes illustres y naquirent. Strabon[c] vous dira qui ils étaient. Ajoutez-y Oribasius, médecin de Julien l’apostat [d].

  1. Strabon, lib. XIII, p. 428, 429.
  2. Tacite, Annal., lib. IV, capite XXXVII, nous l’apprend, Cùm divus Augustus sibi atque urbi Romæ templum apud Pergamum sisti non prohibuisset.
  3. Strabo, lib. XIII, pag. 429, 430.
  4. Eunapius, in Vitâ Oribasii.

(A) Sa situation était très-avantageuse. ] Principalement à cause de la commodité des rivières. Longèque clarissimum Asiæ Pergamum quod intermeat Selinus, præfluit Cetius profusus Pindaso monte[1]. C’est Pline qui dit cela. Je m’étonne qu’il n’ait point parlé du Caïque, autre rivière qui passait proche de Pergame, et la seule dont Strabon ait fait mention en décrivant cette ville. Παραῥῤει δ᾽ ὁ Κάϊκος καὶ τὸ Πέργαμον διὰ τοῦ Κάϊκου πεδίου προσαγορευομένου, σϕόδρα εὐδαίμονα γῆν διεξιὼν, σχεδὸν δὲ τοι καὶ τὴν ἀρίςην τῆς Μυσίας. Pergamum præterfluit Caicus per campum valdè opulentum : qui Caicus dicitur ac ferè optimam partem Mysiæ[2][* 1].

(B) Une personne.... s’en appropria la possession. ] La personne dont je parle s’appelait Philétærus. Il était eunuque depuis son enfance, et cela par un cas fortuit. Sa nourrice, qui l’avait porté à une pompe funèbre, fut si pressée dans la foule des spectateurs, que les testicules de l’enfant en furent tout écrasés. Συνέϐη γὰρ ἔν τινι ταϕῇ θέας οὔσης, καὶ πολλῶν παρόντων, ἀποληϕθεῖσαν ἐν τῷ ὄχλῳ τὴν κομίζουσαν τροϕὸν τὸν Φιλέταιρον ἔτι νήπιον, συνθλιϐῆναι μέχρι τοσοῦδε, ὥς τε πηρωθῆναι τὸν παῖδα· ἦν μὲν δὴ ἐυνοῦχος. Nam spectaculo quodam funebri, in magnâ hominum frequentiâ, nutrix eum gestans etiamnùm infan-

  1. * L’auteur des Observations qui sont dans le tome XXX de la Bibliothéque française, dit que le Cétius de Pline a bien l’air d’être le Caïcus de Strabon.
  1. Plinius, lib. V, cap. XXX, pag. m. 611.
  2. Strabo, lib. XIII, pag. 429.