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PERGAME.

bère, nous assure que la bibliothéque de Pergame subsistait encore toute telle que le roi Enmènes l’avait dressée. Elle n’avait donc pas été transportée à Alexandrie pour être donnée à Cléopâtre, ou bien il faut dire qu’Auguste, qui défit la plupart des choses que Marc Antoine avait faites, la fit reporter à Pergame ; ou qu’après l’avoir perdue sous Marc Antoine, on en fit dresser une autre toute semblable. Voilà ce qu’on appelle nodum in scirpo quærere ; car Strabon ne veut pas dire que Pergame avait encore la bibliothéque et les autres embellissemens dont Eumènes l’avait ornée, il veut dire seulement qu’elle n’avait pas été agrandie depuis Eumènes. Ce prince, dit-il, lui donna toute l’étendue qu’elle a aujourd’hui. C’est le sens du texte grec [1] : Κατεσκεύασε δ᾽ οὗτος τῆς πόλιν, καὶ τὸ Νικηϕόριον ἄλσος κατεϕύτευσε, καὶ ἀναθήματα, καὶ βιϐλιοθήκας, καὶ τὴν ἐπὶ τοσόνδε κατοικίαν τοῦ Περγάμου τὴν νῦν οὗσαν ἐκεῖνος προσεϕιλοκάλησε. Hic urbem adornavit, et lucum Nicephorium consevit, ac donaria et bibliothecas et habitationis locum in Pergamo tantùm quantus hodièque est constituit luculenter [2]. Lipse est mieux fondé dans son objection contre Vitruve. Reges Attalici magnis philologiæ dulcedinibus inducti cùm egregiam bibliothecam Pergami ad communem delectationem instituissent, tunc item Ptolomæus, infinito zelo cupiditatisque incitatus studio, non minoribus industriis ad eundem modum contenderat Alexandriæ comparare [3]. Voilà les paroles de Vitruve ; elles signifient nettement que Ptolomée Philadelphe [4] orna d’une belle bibliothéque la ville d’Alexandrie, à l’envi de celle que les rois de Pergame avaient dressée dans la capitale de leurs états. Lipse trouve là avec raison une fausseté. La bibliothéque d’Alexandrie fut dressée avant que les rois de Pergame qui amassèrent des livres fussent au monde. Cela ne ruine point ce que dit Pline sur l’émulation de Ptolomée et d’Euménes ; car sans doute le roi d’Égypte qui vivait du temps d’Eumènes, vit avec chagrin que les soins du roi de Pergame étaient capables d’effacer la gloire de la bibliothéque d’Alexandrie. Notez que l’’émulation de ces princes fit naître plusieurs impostures en fait de livres, comme le remarque Galien. Scribit Galenus, Comment. 1, in lib. Hippocr. de naturâ hum. inter Alexandriæ et Pergami reges contentionem fuisse, quis plura veterum volumina compararet. Tùm verò multos ab nominibus pecuniæ avidis falsis auctorum nominibus libros inscriptos esse, quo vetustatis plurimùm iis et auctoritatis accederet [5]. Je viens de trouver dans un beau livre [6], qu’on croit que les rois de Pergame commencèrent à donner l’ornement d’une bibliothéque à leur ville, et qu’Attalus composa sa bibliothèque vingt-deux ans avant celle d’Alexandrie. Je ne critique point l’auteur de ce livre ; car ce qu’il assure, qu’on croit cela, est vrai sans doute à l’égard de bien des gens : plusieurs personnes peuvent être dans cette persuasion. Je dis seulement qu’elles se trompent. Le premier des rois de Pergame qui fut nommé Attalus, est postérieur de quelques années à la mort de Ptolémée Philadelphe, à qui la bibliothéque d’Alexandrie devait ses commencemens. On ajoute dans le même livre [7], que la bibliothèque des rois de Pergame fut apportée à Rome. Je voudrais qu’on eût cité un témoin.

(D)... Et le temple d’Esculape. ] Cette divinité est surnommée Pergaméenne dans Martial [8], et nous apprenons d’un historien romain que, lorsque l’on fit à Rome la recherche des faux asiles, les preuves de l’asile de l’Esculape des Pergaméens furent trouvées valables. Consules super eas civitates quas memoravi, apud Pergamum Æsculapii compertum asy-

  1. Strabo, lib. XIII, pag. 429, 430.
  2. C’est ainsi qu’il fallait traduire, et non pas comme Lipse, de Bibliothecis, cap. IV, Eumenes urbem instruxit, et donariis ac bibliothecis, uti nunc est, eleganter excoluit. Le sieur le Gallois, Traité des Biblioth., pag. 27, adopte toutes ces pensées de Lipse, sans le citer.
  3. Vitruvius, in præfat. libri VII.
  4. La suite des paroles de Vitruve ne se peut entendre que de Ptolomée Philadelphe.
  5. Harduinus, in Plin., lib. XXXV, cap. II, pag. 175.
  6. Jacquelot, de l’Existence de Dieu, p. 126.
  7. Idem, ibid., p. 127.
  8. Martial., epigr. XVII, lib. IX.