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PERGAME.

Ἀπολλωνίδα οὖν Κυζικηνὴν, Εὐμενοῦς δὲ τοῦ βασιλέυς μητέρα, καὶ τριῶν ἄλλων Αττάλου, καὶ Φιλεταίρου καὶ Ἀθηναίου, λέγουσι μακαρίζιν ἑαυτὴν ἀεὶ καὶ τοῖς Θεοῖς χἀριν ἔχειν, οὐ διὰ τὸν πλοῦτον, οὐδὲ διὰ τὴν ἡγεμονίαν, ἀλλ᾽ ὅτι τοὺς τρεῖς υἱοὺς ἑώρα τὸν πρεσϐύτατον δορυϕοροῦντας, κἀκεῖνον ἐν μέσοις αὐτοῖς δόρατα καὶ ξίϕη ϕοροῦσιν, ἀδεῶς διαιτώμενον, Apollonidem Cyzicenam, Eumenis regis matrem ac trium prætereà filiorum Attali, Philetæri, et Athenæi, prædicâsse subindè se beatam, diisque egisse aiunt gratias, non propter divitias vel imperium : sed quòd tres filios videret natu maximi esse satellites, eumque in medio ipsorum gladios hastasque ferentium absque metu versari[1]. Attalus, l’aîné des trois frères qui ne régnaient pas, était celui qui avait le plus de part aux grandes affaires. Il témoigna, je l’avoue, beaucoup d’amitié à Eumènes en diverses occasions. Le sachant fort affligé de la conduite que les villes du Péloponnèse avaient tenue [2], il n’oublia rien pour les engager à lui en faire satisfaction[3]. Il donna le nom d’Euménie à une ville, pour faire honneur à son frère[4] : en un mot, il eut le surnom de Philadelphe ; mais néanmoins il était suspect au roi, et avec raison, comme Tite Live va nous l’apprendre. Cet historien raconte qu’après la conquête de la Macédoine[5] Attalus, qui avait très-bien servi les Romains dans cette fameuse expédition, vint à Rome avec de secrètes espérances de supplanter son propre frère, et qu’il aurait fait éclater toute cette intrigue, si le médecin qui l’accompagnait ne l’en avait détourné. Or, ce médecin était un homme qu’Eumènes lui avait donné, et qui avait ordre de l’observer. C’était proprement l’espion du roi. On le donna par un principe de défiance bien fondée. Suberat et secreta spes honorum præmiorumque ab senatu, quæ vix salvâ pietate ejus contingere poterant. Erant enim quidam Remanorum quoque non boni actores qui spe cupiditatem ejus elicerent : eam opinionem de Attalo et Eumene Romæ esse, tanquàm de altero Romanis certo amico, altero nec Romanis, nec Persi fido socio. Itaque vix statui posse, utrùm quæ pro se, an quæ contrà fratrem petiturus esset, ab senatu magis impetrabilia forent : adeò universos omnia et huic tribuere, et illi verò negare. Eorum hominum (ut res docuit) Attalus erat, qui quantùm spes spopondisset cuperent, ni unius amici prudens monitio velut frænos animo ejus gestienti secundis rebus imposuis set. Stratius cum eo fuit medicus, ad idipsum à non securo Eumene Romam missus speculator rerum ; quæ à fratre agerentur, monitorque fidus si decedi fide vidisset. Is ad occupatas jam aures solicitatumque jam animum cùm venisset, aggressus tempestivis temporibus rem propè prolapsam restituit [6]. Je ne rapporte pas les raisons solides que ce médecin employa pour contenir Attalus dans son devoir ; je dis seulement qu’elles méritent d’être lues dans Tite Live, et qu’apparemment celle-ci ne fut pas la moins touchante. On représenta que le roi Eumènes était vieux et sans enfans, et qu’ainsi la porte de la succession légitime serait ouverte bientôt à Attale [7]. Il faut savoir qu’en ce temps-là le fils d’Eumènes n’avait pas été reconnu. Il n’y avait que trois ou quatre ans qu’il s’était passé des choses qui témoignaient que l’amitié fraternelle était combattue par l’ambition dans le cœur d’Attale. Le roi Eumènes, ayant été dangereusement blessé de deux coups de pierre proche de Delphes, s’était fait porter à l’île d’Égine. On le pansait si secrètement qu’il n’y avait presque personne qui sût au vrai s’il était en vie. Ainsi bruit de sa mort courut par-tout. Attale y ajouta foi avec plus de promptitude qu’un bon frère n’aurait fait. Il parla en roi à sa belle-sœur, femme d’Eumènes, et au gouverneur de la

  1. Plutarchus, de fraterno Amore, pag. 480, C.
  2. Elles avaient renversé, par décret public, toutes les statues d’Eumènes, Polyb., in Excerpt. pag. 133.
  3. Polyb., ibidem.
  4. Sthephan., voce Εὐμένεια.
  5. En 585.
  6. Titus Livius, lib. XLV, pag. 877.
  7. Haud ambiguum propediem regnaturum eum infirmitate ætateque Eumenis esset nullam stirpem liberùm habentis. (Nec dum enim agnoverat eum, qui posteà regnavit.) Quid atineret vim afferre rei suæ spontè mox ad eum adventuræ ? Idem, ibidem.