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PÉRIANDRE.

τῆς γυναικὸς ἐνοῦσαν ἐν τῷ ςτόματι, ἑαυτὸν ἀποσϕάξαι, περιϐοήτου τῆς πράξεως γενομένης. Xanthus in Lydiacis narrat Cambleta Lydorum olim regem, edacem, bibacem, gulosum fuisse, noctuque uxorem suam in frusta dissectam vorâsse : deindè crastino manè repertâ conjugis manu, quæ ad ejus os hæserat, re cognitâ, et in vulgus sparsâ, seipsum jugulâsse [1]. J’ai bien de la peine à croire que cela ne soit pas semblable aux contes de vieille, où les géans mangeurs d’hommes sont si mêlés.

(F) Moréri a fait quelques fautes. ] Je ne touche pas à ses péchés d’omission : chacun les pourra connaître en comparant son Périandre avec le mien. I. Il suppute mal, lorsqu’il dit que Périandre commença son règne en la 38e. Olympiade, et mourut en la 48e., après avoir régné quarante-quatre ans. Il aurait pu dire cela, si Périandre, ayant succédé à son père au commencement de l’Olympiade 38, était mort sur la fin de l’Olympiade 48. Mais en ce cas-là il aurait fallu marquer cette précision. II. Il ne fallait pas citer Eusèbe ; car il ne donne point la durée de quarante-quatre ans au règne de Périandre. Il en met le commencement au premier an de l’Olympiade 38, et la fin [2] au premier an de l’Olympiade 48. Je trouve une grosse faute dans ces paroles de Scaliger : Obiit (Periander) anno ultimo Olympiadis xlviii. Tyrannidem obtinuit anno xl ; auctore Laërtio. Ergò ejus initium anno primo Olympiadi xxxviii ut hic rectè assignatum [3]. Il est faux, selon Eusèbe, que Périandre soit mort la dernière année de l’Olympiade 48. Mais si Eusèbe avait mis la mort de ce prince sous cette année-là, il ne s’accorderait pas avec Diogène Laërce, qui ne l’a fait régner que quarante ans. Scaliger s’exprime mieux cinq pages après [4]. III. Périandre ne répondit point à ceux qui demandaient pourquoi il retenait la domination, qu’il était aussi dangereux de la quitter, que de la perdre. Cette réponse est équivoque et embarrassée : elle est fausse dans tous les cas où l’on perd la domination avec la vie ; car ceux qui la perdent de cette façon ne courent plus aucun risque. Il fallait dire qu’il répondît, il y a autant de danger à se défaire volontairement de la tyrannie, qu’à s’en laisser dépouiller par ses ennemis. En français nous n’avons pas le privilége de parler obscurément. Il faut se précautionner contre la critique, beaucoup mieux que les anciens ne le devaient faire. Je dis cela parce que je mets ici les termes de l’original. Πότε ἐρωτηθεὶς διὰ τί τυραννεῖ, ἔϕη, ὅτι καὶ τὸ ἑκουσίως ἀποςῆναι, τὸ καὶ ἀϕαιρηθῆναι, κίνδυνον ϕέρει. Rogatus aliquandò cur in tyrannide persisteret : quia, inquit, et spontè et invitum cedere æquè periculosum est [5]. IV. À quoi bon citer Sosicrate [6] qui ne dit rien de ce que l’on met dans l’article de Périandre, et qui est même d’un sentiment opposé à celui que l’on adopte touchant l’âge de ce tyran ? Il le fait mourir quarante et un ans avant la 49e. Olympiade [7]. Je sais bien qu’en changeant la ponctuation, on approcherait son sentiment de celui d’Eusèbe [8]. Mais Monsieur Moréri savait-il cela ? Et faut-il citer les gens sur des leçons disputées ? Cela n’est permis qu’à ceux qui ont averti qu’ils adoptent la correction d’un tel ou d’un tel critique.

Voici les paroles de Balzac qui se rapportent à la réponse de Périandre. Le danger n’est pas moindre de se défaire de la tyrannie, que de s’en saisir. Phalaris [* 1] était tout prêt de la quitter ; mais il demandait un dieu pour caution qui lui répondît de sa vie, s’il se dépouillait de son autorité ; et ça toujours été une commune opinion, que ceux qui ont pris les armes contre leur pays, ou contre leur prince, sont en quelque façon réduits à la nécessité de mal faire, pour le peu de sûreté qu’ils trouvent à faire bien. Ils n’osent devenir inno-

  1. (*) Phalar. in Epist.
  1. Athen., lib. X, cap. III, pag. 415.
  2. Il ne remarque que la fin du gouvernement monarchique de Corinthe : mais c’est la même chose que la mort de Périandre.
  3. Scaliger., Animadv. in Euseb., num. 889, pag. m. 84, col. 1.
  4. Ibidem, num. 929, pag. 89.
  5. Diog. Laërt., lib. I, num. 97.
  6. Dans la seconde édition de Hollande on a mis Socrate.
  7. Apud Diog. Laërtium, lib. I, num. 95.
  8. Voyez Ménage, in Laërtium, lib. I, num. 95, pag. 55.