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PÉRIANDRE.

cens, de peur de se mettre à la merci des lois qu’ils ont offensées, et continuent leurs fautes, à cause qu’ils ne pensent pas qu’on se contentât de leur repentance [1]. Ce fut l’une des maximes dont Mécène se servit, lorsqu’Auguste délibérait avec lui et avec Agrippa, s’il rendrait au peuple romain la liberté. Agrippa lui conseilla de le faire, et Mécénas de ne le point faire. Rapportons ici les recueils du savant Méibomius. Tangit Xiphilinus, dit-il [2], ex parte causam, quâ motus Mæcenas, Augusto suaserit ; ut imperium retineret. Regnum nempé justum et legitimè comparatum imprimis conducere rerum magnitudini gubernandæ : nec aliud discordantis patriæ remedium esse, quàm ut ab uno, ut loquitur Tacitus Ann. lib. iv., cap. ix ; unumque Reip. corpus unius præsidis nutu, quasi animâ et mente regatur, ut monet Florus, lib. iv., cap. iii. Potior tamen, et altera causa fuit, quàm Suetonius adducit loco quem dixi [3], quod Augustum, si privatus viveret, non sinè periculo fore censeret. Eam etiam inculcat Zonaras ; quòd qui semel imperitârint ; tutò privatam vitam agere nullo modo possint. Quo sensu jam olim Periander interrogatus, cur non deponeret imperium, respondit : Quoniam per vim imperanti, etiam ultrò imperio abire periculosum, ut ex Xenophontis lib. de Memorabil. Socrat. refert Stobæus, serm. xli. Quin et Mæcenas ipse, in orat. apud Dionem, non aliâ ratione depositionem imperii Augusto dissuadet, quàm quod ostendat neminem senatui populoque redditâ rep. ipsi parciturum, qui multos offenderit. Hos enim rerum summam ad se trahendo, id acturos, ut se vel ulciscantur, vel ipsum sibi adversantem è medio tollant. Docet id exemplis Pompeii, Julii Cæsaris, Marii, ac Sullæ : quos abdicata potestas vel pessumdederit, vel pessumdatura fuisset, si diutiùs vixissent. On peut ajouter à cela une réponse de Solon. Ses amis trouvaient fort étrange que le nom de monarchie lui fît peur, et qu’il n’osât se servir des conjonctures pour acquérir l’autorité souveraine. Il leur répondit [4], La principauté et la tyrannie sont bien un beau lieu ; mais il n’y a point d’issue pour en sortir quand on y est une fois entré. Personne, ce me semble, n’a mieux réussi sur cette pensée que Xénophon. Il introduit un tyran qui fait une description fort vive des malheurs de sa condition ; ensuite de quoi Simonide lui demande pourquoi y demeurez-vous ? Pourquoi ne la quittez-vous ? Écoutez bien la réponse : C’est là le plus grand malheur de da tyrannie, qu’il n’y a point de moyen d’y renoncer. Comment voulez-vous qu’un tyran qui a abdiqué, rende les sommes qu’il a pillées ; dédommage ceux qu’il a mis en prison ; fasse revivre tant de gens qu’il a tués ? Si l’on a jamais un juste sujet de se pendre, c’est lorsqu’on exerce la tyrannie. Le passage Grec charmera ceux qui le pourront entendre. Faisons-leur donc le plaisir de Îe rapporter. Καὶ πῶς (ἔϕη) ὦ Ἱέρων, εἰ οὕτω πονηρόν ἐςι τὸ τυραννεῖν, καὶ τοῦτο σὺ ἔγνωκας, οὐκ ἀπαλλάττη οὕτω μεγάλου κακοῦ ; οὔτε σὺ οὔτε ἄλλος μὲν δὴ οὐδεὶς πώποτε ἑκὼν εἶναι τυραννίδος ἀϕεῖτο, ὅσπερ ἀν ἅπαξ κτήσαιτο ; Ὅτι (ἔϕη) ὦ Σιμωνίδη, ταύτη ἀθλιώτατόν ἐςιν ἡ τυραννίς· οὐδὲ γὰρ ἀπαλλαγῆναι δυνατὸν αὐτῆς ἐςί. πῶς γὰρ ἄν τίς ποτὲ ἐξαρκέσειε τύραννος ἢ χρήματα ἐκ τίνων ὅσους ἀϕείλετο, ἢ δεσμοὺς ἀντιπαράσχοι ὅσους δὴ ἐδέσμευσεν, ἢ ὅσους κατέκτανε, πῶς ἂν ἱκανὰς ψυχὰς ἀντιπαράσχοιτο ἀποθανουμένας ; ἀλλ᾽ εἴ περὶ τῳ ἄλλῳ, ὦ Σιμωνίδη, λυσιτελεῖ ἀπάγξασθαι, ἴσθι (ἔϕη) ὅτι τυράννῳ ἔγωγε εὑρίσκω μάλιςα τοῦτο λυσιτελοῦν ποιῆσαι. μόνῳ γὰρ αὐτῷ οὔτε ἔχειν οὔτε καταθέσθαι τὰ κακὰ λυσιτελεῖ. Et quî fit, inquit Hieron, ut si adeò misera res est tyrannidem gerere, idque te non fugit, non abjicias tam ingens malum ? Neque tu, neque alius quisquam unquàm lubens tyrannidem deposuit, ubi semel nactus est. Quoniam, inquit, ô Simonides, isto nomine miserrima est tyrannis, quòd ab

  1. Balzac., au chap. XLV du Prince, pag. m. 33, 34.
  2. Johannes Henricus Meibomus, in Vitâ Mæcenatis, pag. 87, 88.
  3. C’est-à-dire in Octavio, cap. XXVIII. Meibomius cite le chap. XXIX.
  4. Καλὸν μὲν εἶναι τὴν τυραννίδα χωρίον, οὐκ ἔχειν δὲ ἀπόϐασιν. Præclarum fundum tyrannidem esse, sed non habere exitum. Plutarchus, in Solone, pag. 85.