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PÉRICLÈS.

clem sic à comico Eupolide laudari. Vous trouverez dans le scoliaste d’Aristophane ces mêmes vers d’Eupolis avec quelques autres qui les précèdent, et qui font l’éloge de l’éloquence de Périclès ; éloquence qui plaisait, que l’on admirait et que l’on craignait : Hujus suavitate maximè hilaratæ sunt Athenæ, hujus ubertatem et copiam admiratæ, ejusdem vim dicendi terroremque timuerunt [1]. Elle charmait par sa douceur ; elle donnait de l’admiration par son abondance ; elle épouvantait par sa force. Ne trouvons donc pas incroyable qu’elle ait fait régner Périclès au milieu d’une république. Ses paroles ont été comparées au tonnerre. Qui (Pericles) si tenui genere uteretur, nunquàm ab Aristophane poëtâ fulgurare, tonare, permiscere Græciam dictus esset [2]. Ce passage de Cicéron a été paraphrasé pa le jeune Pline. Adde, quæ de eodem Pericle comicus alter, ἤςραπτ᾽, ἐϐρόντα, ξυνεκύκα τὴν Ἑλλάδα. Non enim amputata oratio et abscissa, sed lata, et magnifica, et excelsa tonat, fulgurat, omnia denique perturbat ac miscet [3]. La première fois que Cicéron publia son livre, il attribua ces paroles à Eupolis ; mais il reconnut sa méprise dans un autre ouvrage. Mihi quidem gratum, et erit gratius si non modò in libris tuis sed etiam in aliorum per librarios tuos Aristophanem reposueris pro Eupoli [4]. Nous ne voyons que l’éclair et le tonnerre d’Aristophane ; mais nous verrons aussi la foudre si nous consultons Plutarque. Les comedies, dit-il, que feirent jouer les poëtes de ce temps-là, esquelles il y a plusieurs paroles dites de luy, les unes à bon esciant, les autres en jeu et avec risée, tesmoignent que ce fut pour son eloquence principalement que luy fut donné le surnom d’Olympien ; car ilz disent qu’il tonnoit, qu’il esclairoit en haranguant, et qu’il portoit sur sa langue une foudre terrible. Je me sers de la version d’Amyot, et je mets le grec en note [5]. L’auteur ajoute une réponse de Thucydide qui confirme bien cela. Comme Archidamus roy de Lacedæmone luy demandast un jour, lequel luctoit le mieulx de luy ou de Pericles, il luy respondit, quand je l’ay jetté par terre en luctant, il sçait si bien dire en le niant, qu’il fait croire aux assistans qu’il n’est point tumbé, et leur persuade le contraire de ce qu’ilz ont veu.

Ne finissons pas encore ce qui concerne l’éloquence de Périclès. Quelques-uns veulent qu’il soit le premier qui ait écrit ses harangues avant que de les réciter. Πρῶτος γραπτὸν λόγον ἐν δικαςηρίῳ εἶπε, τῶν πρὸ αὐτοῦ σχεδιαζόντων. Primus scriptam orationem habuit in judicio, cùm illi qui ipsum antecesserant ex tempore dicerent [6]. C’est à tort ce me semble que Corradus se figure que cela veut dire qu’il lisait son manuscrit [7] ; car une harangue que n’est guère propre à produire les effets que l’on attribue à l’éloquence de cet orateur. Du temps de Quintilien, on avait encore quelques harangues de Périclès ; mais cet habile rhéteur, les trouvant disproportionnées à la haute réputation de ce grand homme, approuvait le sentiment de ceux qui les regardaient comme un ouvrage supposé [8]. Cicero in Bruto negat ante Periclem scriptum quicquam quod ornatum oratorium habeat : ejus aliqua ferri. Equidem non reperio quicquam tantâ eloquentiæ famâ dignum : ideòque minus miror esse qui nihil ab eo scriptum putent : hæc autem quæ feruntur, ab aliis esse composita [9]. Mais rien n’empêche qu’une harangue médiocre récitée

  1. Cicero, in Bruto, pag. 91.
  2. Idem, in Oratore, folio. 118, B.
  3. Plin., epist. XX, lib. I, pag. 61.
  4. Cicero, ad Atticum, epist. VI, lib. XII, pag. m. 301, 302.
  5. Αἱ μέντοι κωμῳδίαι τῶν τότε διδασκάλων σπουδῇ τε πολλὰς καὶ μετὰ γέλωτος ἀϕεικότων ϕωνὰς εἰς αὐτόν, ἐπὶ τῷ λόγῳ μάλιςα τὴν προσωνυμίαν γενέσθαι δηλοῦσι, βροντᾷν μὲν αὐτὸν καὶ ἀςράπτειν ὅτε δημηγοροίη, δεινὸν δὲ κεραυνὸν ἐν γλώσσῃ ϕέρειν λεγόντων. At comœdiæ, quòd qui eâ tempestate docebant eas, et serias et ridiculas voces in eum multas ejacularentur, traxisse ex vi dicendi eum ostendunt hoc cognomen (Olympii) tonare enim et fulminare concionuntem, et vehemens eum in linguâ dicebant gerere. Plutarchus, in Pericle, pag. 156, B.
  6. Suidas, in Περικλῆς.
  7. Corredus, in Brutum Ciceronis, pag. 77.
  8. Plutarch., in Pericle, pag. 156, B, témoigne que Périclès ne laissa point d’autres écrits que des arrêts.
  9. Quint., Inst. Orat., l. III, c. I, p. m. 115.