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PÉRICLÈS.

que ab eis etiam lege munierunt, illorum autem ista etiam sacris solennitatibus miscuerunt. Itane tandem Scipio laudas, hanc poëtis romanis negatam esse licentiam, ut cuiquam opprobrium infligerent romanorum, cùm videas, eos nulli deorum pepercisse vestrorum ? Itane pluris tibi habenda est existimatio vestræ curiæ, quàm Capitolii, imò Romæ unius quàm cœli totius : ut linguam maledicam in cives tuos exercere poëtæ etiam lege prohiberentur, et in Deos tuos securi, tanta convicia nullo senatore, nullo censore, nullo principe, nullo pontifice prohibente jacularentur ? Indignum videlicet fuit, ut Plautus aut Nœvius Publio et Cneo Scipioni, aut Cœcilius M. Catoni malediceret : et dignum fuit, ut Terentius vester flagitio Jovis optimi maximi adolescentium nequitiam concitaret [1]. Arnobe avait fait déjà le même reproche aux gentils. Voyez la note [2] : ses paroles méritent bien d’être lues.

(F) ..... Il supporta patiemment ces médisances. ] Nous ne lisons point qu’aucun des poëtes qui le maltraitèrent en ait été châtié. Il y a pourtant beaucoup d’apparence qu’il eût été bien facile à un homme d’un si grand crédit de punir l’audace de ces gens-là. On le touchait par les endroits les plus sensibles : car on traitait Aspasie de concubine impudente et chaude ; on la traitait, dis-je, de cette façon sur le théâtre. Ἐν δὲ ταῖς κωμῳδίαις Ὀμϕάλη τε νέα καὶ Δηϊάνειρα καὶ πάλιν Ἥρα προσαγορεύεται. Κρατῖνος δὲ ἄντικρυς παλλακὴν αὐτὴν εἴρηκεν ἐν τούτοις, Ἥραν τε οἱ Ἀσπασίαν τίκτει, καταπυγοσύνην παλλακὴν κυνώπιδα. In comœdiis nova Omphale et Dejanira, aliàs Juno nominatur. Cratinus disertè pellicem appellavit hisce versibus :

Junonem Aspasiam parit,
Et impudicam et pellicem, inverecundamque [3].


La politique avait quelque part à cette indolence ; car si Périclès avait travaillé à fermer la bouche aux poëtes, il eût éclairé les Athéniens sur une chose qu’il était de son intérêt qu’ils ne vissent pas : ils eussent senti qu’ils ne retenaient que de nom le gouvernement républicain, et que dans le vrai toute la puissance était réunie en une seule personne. Rien n’est plus capable d’empêcher le peuple de s’apercevoir de l’extinction de la liberté, que la permission qu’on lui laisse de médire impunément de ceux qui possèdent la réalité de la puissance monarchique, sous des noms qui n’ont rien d’odieux. Il importait donc à Périclès de mépriser la licence du théâtre ; mais n’attribuons pas uniquement à l’artifice cette patience : il y entrait de la grandeur ; car jamais un homme aussi courageux et aussi vif qu’il l’était n’eût supporté les injures avec la patience que l’on vit en lui, s’il n’eût eu une force d’âme extraordinaire. Lisez cet endroit de sa vie. On conte, qu’il y eut quelquefois un meschant effronté, qui fut tout un jour à l’oultrager de paroles diffamatoires en pleine place, et luy dire toutes les injures dont il se pouvoit adviser : ce qu’il endura patiemment sans jamais luy respondre un seul mot, depeschant ce pendant quelque affaire de consequence, jusques au soir qu’il se retira tout doulcement en son logis, sans se monstrer alteré en façon quelconque, combien que cest importun là le suyvist tousjours, en luy disant tous les oultrages qu’il est possible de dire : et comme il fut prest à entrer dedans son logis, estant desia nuict toute noire, il commanda à l’un de ses serviteurs qu’il prist une torche, et qu’il allast reconduire cest homme, et l’accompagner jusques en sa maison [4]. La force de son courage et sa pa-

  1. Idem, ibidem, cap. XII, pag. 180, 181.
  2. Nec à vobis saltem istum meruerunt honorem, ut quibus expellitis à vobis, eisdem ab his legibus propulsaretis injurias. Majestatis sunt apud vos rei, qui de vestris sequiùs obmurmuraverint aliquid regibus. Magistratum in ordinem redigere, senatorem aut convitio prosequi, suis esse decrestis periculosissimum pœnis. Carmen malum conscribere, quo fama alterius coinquinetur et vita, decem viralibus scitis evadere noluistis impunè : ac ne vestras aures convitio aliquis petulantiore pulsaret, de atrocibus formulas constituistis injuriis. Soli dii sunt apud vos superi inhonorati, contemptibiles, viles ; in quos jus est à vobis datum, quæ quisque voluerit dicere : turpitudinum jacere, quas libido confinxerit atque excogitaverit, formas. Arnob., lib. IV, pag. 150, 151.
  3. Plut., in Pericle, pag. 165, D.
  4. Amyot, dans la traduction de la Vie de Périclès, pag. 554.