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PÉRICLÈS.

et que les autorités qu’on leur pourrait alléguer ne leur sont pas plus favorables que la raison. Je dis la raison, car quelle bonne idée peut-on avoir d’un gouvernement où les factions opposées des déclamateurs étaient un mal nécessaire. Ὁ μὲν οὖν Μελάνθιος, εἴτε παίζων εἴτε σπουδάζων, ἔλεγε διασώζεσθαι τὴν Ἀθηναίων πόλιν ὑπὸ τῆς τῶν ῥητόρων διχοςασίας καὶ ταραχῆς· οὐ γὰρ ἀποκλίνειν ἅπαντας ἐις τὸν αὐτὸν τοῖχον, ἀλλὰ γίγνεσθαί τινα τοῦ βλάπτοντος ἀνθολκὴν ἐν τῇ διαϕορᾷ τῶν πολιτευομένων. Sanè Melanthius, sive seriò id, sive joco, Atheniensium civitatem conservatam fuisse dixit oratorum dissidiis atque turbis. Ita enim non in unum uiuversos parietem inclinâsse, sed eorum qui rempublicam tractabant in dissidio quippiam fuisse quod repelleret à damnosâ parte urbem [1]. Comparez un peu, je vous prie, deux passages d’Aristote, celui où il décrit les déréglemens des démocraties, et celui où il remarque comment la ville d’Athènes était parvenue au gouvernement démocratique. Vous trouverez, en conférant ces deux passages, qu’il a fallu qu’il ait regardé comme une vraie tyrannie le gouvernement qui fut établi dans Athènes après les victoires remportées sur les Perses. Il dit que depuis que Solon eut commis la souveraine autorité à des juges choisis par le peuple, on flatta le peuple comme on flatte les tyrans ; qu’Éphiates et Périclès diminuèrent l’autorité de l’aréopage ; que Périclès rendit mercenaires les magistratures, et que les autres démagogues imitant ces exemples, introduisirent la démocratie que l’on vit enfin. Il prétend qu’on ne suivit pas en cela l’esprit de Solon : mais que l’orgueil des habitans après la gloire qu’ils acquirent dans la guerre contre les Perses et les mauvaises qualités des démagogues, produisirent cet effet [2]. Le voilà donc qui avoue que la démocratie régnait dans Athènes, c’est-à-dire, selon la description qu’il a donnée de cette forme de gouvernement en un autre endroit de son ouvrage [3], un état où toutes choses, les lois mêmes, dépendant de la multitude érigée en tyran, et gouvernée par les flatteries de quelques déclamateurs. Ce que Boëce met en la bouche de la philosophie, n’est-il pas bien avantageux aux Athéniens ? Si cujus oriundus sis patriæ reminisceris, non uti Atheniensium quondam, multitudinis imperio regitur, sed εἶς κοίρανος ἐςὶν, εἶς βασιλεύς : qui frequentiâ non depulsione lætatur [4]. On ne peut guère rien voir de plus satirique contre le peuple d’Athènes, que les vers de Jules César Scaliger qui ont plu extrêmement à un docte professeur en histoire dans l’université d’une ville impériale. Je remarque cela afin qu’on voie qu’un professeur qui était aux gages d’une république, ne s’est point cru obligé de ménager le gouvernement d’Athènes. Il ne se contente pas de rapporter l’invective de Scaliger le père, et de la munir d’éloges, il la fortifie d’exemples, et d’une apostrophe de Démosthène à Minerve. O déesse, dit cet orateur prêt à s’en aller en exil, d’où vient que vous aimez tant trois bêtes qui sont très-méchantes, la chouette, le dragon et le peuple ? Cùm nulla cœna tam parca sit, in quâ non hilaritatis poculum circumeat ; propinabo ejus loco lepidissimos hosce versus Julii Scaligeri de insaniente Athéniensium vulgo :

Nulla est, puto respublica natiove vera,
Commentitiâ, fictave cogitatione,
Aut stultitiâ aut nequitiâ Atticâ priores.
Ita consiliis flagitiisque demagogos
Tetris nugivoram excruciâsse cerno plebem,
Fecem pelagi turbine turbulentiorem.
Justos opibus, patriâ et exuisse vitâ.


Nihil solemnius hoc postremò ; et extemplò est Diomedon apud Valerium nostrum, qui non ad meritum supplicium ductus nihil aliud loentus est, quàm ut vota pro incolumitate exercitûs ab ipso nuncupata solverentur. Fertur, cùm Demosthenes jam exulaturus urbe cederet, extensis versùs arcem manibus exclamâsse ? O Domina Polias (ita Minervam cognominabant), quid ita gaudes tribus molestissimis bestiis, Noctuâ, Dracone, et Populo [5].

  1. Plutarch., de audiendI. Poëtis, p. 20, C.
  2. Aristotel. Politic., lib. II, cap. XII, pag. m. 252.
  3. Idem, ibid., lib. IV, cap. IV, p. 278.
  4. Boetius, de Consol. Philos., lib. I, pag. m. 16. Voyez les Notes de Rénatus Vallinus, sur cet endroit de Boëce.
  5. Christophorus Adamus Rupertus, Dissertat. in Valerium Maximum, lib. I, cap. I, pag.