grand homme. Le jour de sa naissance faillit à être celui de sa mort. Une demoiselle qui le portait[1] du château de la Poissonnière, où il était né, à l’église de la paroisse, où il devait être baptisé, le laissa tomber imprudemment : mais par bonheur ce fut dans un pré, et sur des fleurs, et tout le mal qu’il reçut ce fut d’être tout mouillé de l’eau rose, qu’on portait, suivant la coutume, pour ce baptême.
Ce ne fut point sans doute un effet du hasard,
Je crois qu’on peut, sans badinage,
Dire que ce fut un présage
De la fortune de Ronsard ;
Un présage certain qui fit alors comprendre,
Combien de bonne odeur Ronsard devait répandre,
Un présage certain que les neufs doctes sœurs,
Dont il devait chanter la gloire
Pour éterniser sa mémoire
Lui feraient quelque jour des couronnes de fleurs[2].
(D) Il se mit à la tête de quelques soldats..... contre ceux de la religion. ] Donnons le narré de Théodore de Bèze : « Le plus grand mal fut que parmi les images, le commun rompit quelques sepultures de la maison de Vendosme, chef aujourd’huy de la maison de Bourbon, ce qui fut trouvé tresmauvais et à bon droit. Adonc ceux de la religion romaine voyans ces choses, et que quant à la noblesse du pays les uns estoient allés trouver le prince à Orleans, les autres s’estoient jettés dans la ville du Mans, commencerent à tenir ceux de la religion en merveilleuse sujetion. Entre autres Pierre Ronsard, gentilhomme doué de grandes graces en la poësie françoise entre tous ceux de nostre temps, mais au reste ayant loué sa langue pour non seulement souiller sa veine de toutes ordures, mais aussi mesdire de la religion et de tous ceux qui en font profession, s’estant fait prestre, se voulut mesler en ces combats avec ses compagnons. Et pour cest effect ayant assemblé quelques soldats en un village nommé d’Evaille, dont il estoit curé, fit plusieurs courses avec pilleries et meurtres[3]. ». M. de Sponde prétend que la noblesse du Vendômois élut le prêtre Ronsard pour son chef ; j’aimerois mieux m’en tenir à la narration de Théodore de Bèze. Rapportons néanmoins les paroles de cet annaliste ; nous y trouverons d’autres choses à corriger. Arma quoque sumens nobilitas, ducem sibi elegit Ronsardum, qui insolentiam profanorum non ferens, multos ex iis malè muletavit : quamquàm curionatum Evalliæ tenebat, loci amænitate aut commoditate captus. Neque enim is erat, qui libertatem suam, atque adeò licentiam poëticam, sacerdotalis muneris necessitate tanquàm compede ad gravitatem eâ functione dignam vellet adstringere : sed homo generosus, et à teneris annis inter nobiles pueros Caroli ducis Aureliani Francisci I filii in aulâ, et posteà militaribus studiis in Angliâ et Scotiâ innutritus, antèquàm litteris sub Io. Aurato operam daret, et divinum ingenium ad poëticam appelleret, inter pacatæ vitæ oblectamenta etiam armorum curam et amorem retinuerat [4]. C’est nous faire entendre que Ronsard ne s’était chargé d’une cure que pour son plaisir[* 1], et qu’il s’acquittait des fonctions du sacerdoce cavalièrement. Si cet auteur avait su que ce prétendu curé avait eu chez le roi d’Écosse le même grade que chez le duc d’Orléans, se fût-il servi de la distinction qu’il a employée ? eût-il dit que Pierre Ronsard fut élevé page chez ce duc, et apprit le métier des armes sous le roi d’Écosse ? Rectifions cela, et sachons que ce jeune homme fut donné pour page au dauphin, l’an 1536, trois jours avant que ce prince décédât[5]. De là il fut donné à Charles duc d’Orléans, second fils du roi, où il continua quelque temps, fort agréable à son maistre........ qui pour lui faire voir du pays le donna page à Jaques de Stuart roi d’Ecosse qui
- ↑ * Bayle nie, dit Leclerc, que Ronsard ait été curé d’Évaille, par ce qu’il suppose faussement qu’on ne pouvait être curé sans être prêtre.
- ↑ Binet ne dit point que la demoiselle le portât : il la distingue de celle qui le portait,
- ↑ Le Pays, Titres de noblesse de la Muse amourette, à la page 182, 183 de la IIe. partie des Nouvelles Œuvres, édition de Hollande, 1687.
- ↑ Bèze, Hist. ecclésiastique, liv. VII, pag. 537, 538.
- ↑ Spondanus, Annal. eccles., ad ann. 1562, num. 16, pag. m. 621, 622.
- ↑ Binet, Vie de Ross, pag. 115.