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SABÉUS.

descendait de la famille des Coccéiens est très-mauvaise. Moréri assure qu’il est assez croyable que Sabellicus était fils d’un pauvre maréchal, si on ne regarde que le surnom de Coccius, qui ne se trouve proprement que dans les épitaphes et sur le tombeau qu’on lui éleva après sa mort. Qui a jamais vu raisonner d’une telle sorte ? Le surnom de Coccius ne se trouve proprement que dans les épitaphes, etc. ; donc il est assez probable que le père de Sabellicus était un pauvre maréchal. Voici une autre faute de raisonnement. M. Moréri suppose que si le surnom de Coccius eût appartenu à la famille de Sabellicus, on pourrait justement croire que cet homme descendait de la famille des Coccéiens. Quelle absurdité ! Ajoutons à cela deux fautes de fait. Il est sûr que Sabellicus prit pendant sa vie le surnom de Coccius, que l’inscription de son tombeau ne fut pas faite après sa mort. Il la fit graver lui-même. III. Il n’instruisit point les jeunes enfans dans les petits bourgs, mais à Tivoli qui est une ville épiscopale. IV. Nous avons de lui Historia Enneadum en XI livres, depuis le commencement du monde jusqu’en 1504. Ce sont les paroles de Moréri, et il ne se peut rien dire de plus absurde. Il avait lu dans Vossius que Sabellicus s’est rendu célèbre principalement par son Histoire d’onze Ennéades [1], c’est-à-dire, par une histoire divisée en onze ennéades, et il s°est imaginé qu’il s’agissait d’une histoire divisée en XI livres, qui comprenait les actions des ennéades. Il faut savoir que Sabellicus, affectant l’imitation anciens, voulut diriger sa composition non pas de dix en dix livres, ou en décades [2] comme Tite Live, mais de neuf en neuf, ou en ennéades. V. C’est pervertir le sens de Paul Jove, et très-mal juger du fond, que oser dire que l’épitaphe que Sabellicus se fit est assez raisonnable, mais modeste [3].

Notez que beaucoup de gens ont bronché, comme Moréri, sur le passage de Vossius à l’égard des ennéades, Zeillérus nous dit que Sabellicus est l’auteur de l’Histoire de deux Ennéades, cujus maximè celebratur Historia Enneadum II [4], et Konig, qu’il a laissé onze livres d’Ennéades [5].

  1. Maximè celebratur Historiâ Enneadum XI. Vossius, de Hist. lat., pag. 690. Notez que la dernière ennéade ne contient que deux livres.
  2. Notez qu’il divisa en décades son Histoire de Venise. Elle en contient trois entières, et trois livres de la IVe.
  3. Peut-être que les imprimeurs ont oublié quelques mots, et que Moréri avait dit, mais non pas assez modeste.
  4. Martinus Zeillerus, de Histor., part. I, pag. 127.
  5. Konig., Biblioth., pag. 712.

SABÉUS (Fauste), né au pays de Bresce en Italie, se fit tellement estimer par son savoir, que Léon X l’appela à Rome pour le faire garde de la bibliothéque vaticane [* 1]. Il travailla utilement à l’augmentation de cette bibliothéque, ayant fait dans cette vue plusieurs voyages longs et pénibles. Il en fut très-mal récompensé, et il murmura hautement de cette disgrâce (A) ; mais ses plaintes ne firent point d’impression sur l’esprit de quatre autres papes qui l’arrêtèrent à leur service. Ils ne l’avancèrent point, et ils lui donnèrent sujet de renouveler ses murmures contre le mauvais état de ses affaires. Il mourut à Rome, âgé de quatre-vingts ans, sous le règne de Paul IV [a]. On a quelques

  1. * Leclerc et Joly demandent une preuve de ce fait, qui soit tirée de quelques monumens. La chronologie des bibliothécaires du Vatican ne laisse point de place à Sabéus sous le règne de Léon X. Quand ce pape monta sur le trône du serviteur des serviteurs de Dieu, le bibliothécaire du Vatican était Thomas Phédre Inghirarni (que Joly n’appelle que Phèdre), qui mourut en 1516 (et non 1518, comme on lit dans Joly par faute d’impression) ; à Inghirami succéda Ph. Béroalde, mort en 1518, et dont le successeur fut Z. Acciaioli, mort en 1520 (ou plutôt le 29 juillet 1519), et auquel Léon X donna un successeur le jour même de la mort. C’était Jérôme Aléandre, qui survécut à Léon X.
  1. Tiré della Libraria bresciana nuovamente aperta, de Leonardo Cozzando, parte I, pag. 108, 109. Ce livre fut imprimé à Bresce, l’an 1685. Ghilini a fourni tout cela à Cozzando.