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SADUCÉENS.

δουκαίων δὲ καὶ πρὸς ἀλλήλους τὸ ἦθος ἀγριώτερον αἵτε ἐπιμιξίαι πρὸς τοὺς ὁμοίους ἀπηνεῖς ὡς πρὸς ἀλλοτρίους. Sadducæi verò et inter se feris moribus discrepantes, et conversatio eorum circa exteros inhumana[1]. Ce n’est point le propre des voluptueux ; car au contraire ils ont une grande complaisance les uns pour les autres, ils ne travaillent qu’à multiplier les douceurs de leur commerce, ils en bannissent tout ce qui en peut diminuer les agrémens. M. Willemer[2] se fonde beaucoup sur ce que saint Jean-Baptiste donna l’épithète d’engeance de vipères aux saducéens[3]. Il remonte jusques au premier serpent qui séduisit Ève. Qu’il dise ce qu’il voudra, il me suffit de lui répondre que cette épithète fut également donnée aux pharisiens ; c’est pourquoi tout ce que l’on en voudrait conclure touchant les mauvaises mœurs de ceux qui niaient l’immortalité de l’âme, enfermerait également les mauvaises mœurs de ceux qui croyaient un paradis et un enfer. Faites la même remarque sur le levain dont Notre-Seigneur voulut que l’on se gardât[4]. Cela concerne autant les pharisiens que les saducéens.

Notez qu’une infinité d’auteurs prétendent que les saducéens prirent ce nom à cause qu’il dérivait d’un mot qui signifie Justice. Ἐπονομάζουσι δὲ οὗτοι ἑαυτοὺς Σαδδουκαίους, δῆθεν ἀπὸ δικαιοσύνης τῆς ἐπικλήσεως ὁρμωμένης. Σεδὲκ γὰρ ἑρμηνεύεται δικαιοσύνη. Sadducæos se à justitiâ nominant ; Sedec enim justitiam significat[5]. Ceux qui admettent cette étymologie observent que ces hérétiques furent appelés saducéens à cause qu’ils ambitionnaient l’éloge des justes, et que les autres le leur donnaient[6]. M. Willemer cite[7] pour ce sentiment Isidore, Béatus Rhénanus, Bernard de Breitenbach, et Richard de Montaigu. Il dit qu’on dispute de quelle espèce était la justice qui donnait le nom à ces sectaires. C’était, selon saint Jérôme, la justice inhérente ; car ils se glorifiaient de l’avoir acquise parfaitement par l’observation de la loi. Plusieurs approuvent cette pensée de saint Jérôme. D. Hieronymus in Matthæum XXII, tom. VI Oper. allegat propriam inhærentem justitiam, de cujus perfectione, ex lege à se observatâ fuerint gloriati. Sequuntur eum multi patrum, plurimique scholasticorum, ut et Matthias Flaccius, part. I, Clav. Script., pag. 1064. Georgius Fabricius, Histor. sacr., lib. X, num. 432, pag. 584 ; atque Gregor., Lex S., pag. 236[8]. D’autres recourent à la justice distributive, et se partagent encore ; car les uns prennent celle qui consiste à récompenser, et les autres celle qui consiste à punir. Ceux-là prétendent que selon les saducéens toute la justice s’accomplissait en ce monde ; les bons y étaient récompensés, les méchans y étaient punis. Il ne restait rien à faire après cette vie. Ceux-ci disent que ces hérétiques étaient fort sévères dans les tribunaux, et qu’à cause de cela ils furent nommés saducéens. Nonnemo… ob remunerativam justitiam eos justos appellatos statuit, quòd existimârint in hâc vitâ omnem compleri justitiam, h. e. justis benè fieri, malis evenire mala, mortuo autem homine nullum super esse judicium justitiæ. Punitivam verò justitiam eligit Nicolaüs de Lyra Comment. in act. V. ita inquiens : Dicuntur sadducæi à Sadec, quod est justitia in hebræo : nam sadducæi inter alios judæos erant in judiciis et punitionibus acerrimi, ut dicitur in scholasticâ historiâ[9], proptereà sibi nomen justitiæ usurpabant[10]. Si les faits sur quoi l’on fonde cette étymologie sont véritables, il n’y a plus lieu de douter que la secte saducéenne ne se piquât de tout l’extérieur des bonnes mœurs, et qu’ainsi elle ne s’éloignât soigneusement de la manière de vivre des gens débauchés. En tout cas, nous avons ici bien des auteurs qui sont obligés de croire qu’elle se tenait dans la régularité. Voilà donc, au pis aller, des témoins

  1. Joseph., de Bello jud., lib. II, cap. VII, sub fin., pag. m. 788, 789.
  2. Willemer., pag. 17.
  3. Évangile de saint Matthieu, chap. III, vs. 7.
  4. Là-même, chap. XVI, vs. 6.
  5. Epiphan., hæresi XIV, pag. m. 31.
  6. Eò quòd justitiæ laudem tùm ipsi appelerent, tùm alii iis tribuerent. Willemerus, p. 5.
  7. Idem, pag. 6.
  8. Idem, ibidem.
  9. Il eût fallu citer Josèphe. Voyez ci-après citation (41), page 22.
  10. Willemer., de Sadduc., pag. 6.