amours[* 1]. Elle était de Mitylène dans l’ile de Lesbos[a], et vivait du temps d’Alcée, son compatriote, et du temps de Stésichore, c’est-à-dire en la 42e. olympiade (A), six cent dix ans avant Jésus-Christ. Elle avait composé un grand nombre d’odes, d’épigrammes, d’élégies[b], d’épithames, etc.[c]. Tous ses vers roulaient sur l’amour (B), et avaient des grâces si naturelles et si touchantes, qu’il ne faut point s’étonner qu’on l’ait appelée la dixième muse[d]. Strabon la considérait comme une merveille [e], et disait que jamais aucune femme n’avait pu suivre que de fort loin celle-là en matière de poésie. Il ne nous reste de tant de vers qu’elle fit que certains petits morceaux que les anciens scoliastes en ont cités, et qu’une hymne à Vénus, et une ode à l’une de ses maîtresses (C) ; car il faut savoir que sa passion amoureuse s’étendait sur les personnes mêmes de son sexe (D), et c’est ce qui l’a le plus décriée. Suidas nous a conservé le nom de trois amies[f] de Sapho, qui la perdirent de réputation, et qui se diffamèrent elles-mêmes par l’étrange singularité que l’on imputait à leur commerce. Il nous l’a conservé aussi le nom de trois écolières de Sapho, qu’elle ne manqua pas apparemment d’initier à ses mystères. Comme Lucien [g] ne remarque pas que les femmes de l’ile de Lesbos, qu’il dit avoir été fort sujettes à cette passion, l’eussent apprise de Sapho, il vaut mieux s’imaginer qu’elle la trouva tout établie dans son pays, que de l’en faire l’inventrice. Quoi qu’il en soit, Sapho a passé pour une insigne tribade, et quelques-uns pensent que c’est pour cela qu’on lui a donné le surnom d’Hommesse[h] (E). Si elle avait eu pour but de se passer de l’autre moitié du genre humain, elle se trouva frustrée de son attente ; car elle devint éperdument amoureuse de Phaon, et fit en vain tout ce qu’elle put pour s’en faire aimer. Le jeune homme la méprisa, et la contraignit par ses froideurs à se jeter du haut en bas d’une roche (F), pour mettre fin à sa flamme dévorante. Quelle dureté (G) ! Il y avait déjà bien du temps qu’elle était veuve d’un des plus riches hommes de l’île d’Andros, nommé Cercala, duquel elle eut une fille nommée Cléis[i]. C’est ainsi que s’appelait la mère de Sapho. Pour son père, je ne dirai point quel était son nom, puisqu’il me le faudrait choisir entre huit[j] ; car il y a tout autant d’hommes dont elle a passé pour la fille[k]. Elle avait trois frères, dont l’un nommé Charaxus trafiquait de vin de
- ↑ * Leclerc trouve que Bayle est ici fort différent de ce qu’il a la mine d’être dans l’article Sanchez.
- ↑ Strabo, lib. XIII, pag. 425, Suidas, in Σαπϕώ.
- ↑ Suidas, in Σαπϕώ.
- ↑ Servius in Virgil. Dionys. Halicarn.
- ↑ Antholog., lib. I, cap. LXVII, epigramm. XXXII.
- ↑ Θαυμαςόν τι χρῆμα, admirandum quid, Strabo, lib. XIII, pag. 424.
- ↑ Ovide en nomme deux autres, Epistola Sapph. ad Phaon. Voyez la rem. (D).
- ↑ Dialog. Meretric., tome II, page 714.
- ↑ Mascula Sappho. Hor. Epist. XIX, v. 28. lib. I, Ausonius, Cupid. Crucif.
- ↑ Suidas, in Σαπϕώ.
- ↑ Idem, ibidem.
- ↑ Conférez la remarq. (K) de l’article d’Anacréon, tom. II, pag. 17.