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TOULOUSE.

Depuis la première édition de ce Dictionnaire j’ai appris, par le Journal des Savans, du 11 juin 1696, qu’il n’y avait pas long-temps que l’académie française était établie, lorsque M. Pellisson, qui était alors à Toulouse, y forma le plan d’une compagnie qui s’adonnerait à de semblables exercices ; qu’elle ne reçut pourtant sa dernière forme qu’en l’année 1688, que des gens de lettres commencèrent à s’assembler chez M. Carrière, juge-mage et président au présidial de cette ville ; ce qu’ils continuèrent de faire jusqu’en l’année 1694, qu’ils se transportèrent chez M. de Mondran, gentilhomme, dont la maison était située dans un quartier plus commode[1]. Que ceux qui désireront savoir qui étaient les personnes qui composaient cette compagnie, et quels étaient leurs exercices, le pourront apprendre par la lecture de la réponse que M. de Martel, l’un des membres de ce corps, et qui y remplit dignement la fonction de secrétaire, fit imprimer à Montauban, en 1692, pour effacer les impressions peu avantageuses qu’en avait voulu donner l’auteur du mémoire fait contre son établissement, sous prétexte de défendre les jeux floraux. Que les messieurs qui se trouvent à ces conférences académiques, composent souvent en prose et en vers des pièces en l’honneur du roi et sur d’autres sujets importans, et qu’il y en a plusieurs qui ont été imprimées et reçues avec un applaudissement général. Leur zèle a été plus loin. Ils donnèrent, en 1694, un prix qui est une médaille d’or, de la valeur de douze louis[2]. Tout ceci, et quelques autres particularités bien glorieuses à ces messieurs, se peuvent lire dans l’extrait d’une lettre écrite de Toulouse, qui a été employé pe M. Cousin, auteur du journal des Savans. On m’a envoyé de la même ville un long mémoire manuscrit dont je mettrais ici très-volontiers toute la substance, si l’imprimeur me pouvait donner le temps de demander et de recevoir l’éclaircissement qui me serait nécessaire. Mais comme je n’ai examiné ce mémoire-là que deux jours avant que d’envoyer cet article à l’imprimerie, je ne puis attendre que cet éclaircissement me soit donné. Il faut donc que je me borne à un petit nombre d’extraits par où l’on pourra aisément comprendre que l’académie érigée à Toulouse est distincte de la compagnie où se tenaient les conférences académiques dont le Journal du 11 juin 1696 a fait mention.

Ces conférences commencèrent à Toulouse, l’an 1640, en deux endroits différens, chez M. de Malepeire[3] et chez M. de Campunaut[4] ; mais ces deux assemblées se réunirent ensuite chez M. de Garrigis, conseiller au présidial, et choisirent pour leur directeur M. de la Garde, qui s’était rendu également recommandable par ses poésies latines, et par les belles découvertes qu’il faisait dans la physique ; car il avait combattu les formes et les accidens d’Aristote avant qu’on eût vu paraître les ouvrages de Gassendi. M. Donneville, président à mortier, rétablit ces exercices de littérature avec beaucoup plus d’éclat, en l’année 1667. M. de Nolet, trésorier de France, établit des conférences réglées dans sa maison quelque temps après, sous la direction de M. Bayle[5], docteur en médecine ; M. Régis y faisait d’excellens discours sur le système de M. Descartes. Il se forma ensuite une autre assemblée dans le collége de Foix, et l’on commença à travailler à l’érection d’une académie de beaux esprits. La compagnie des jeux floraux ne goûta point ce projet, et il y eut un anonyme qui fit un écrit pour montrer que l’exécution de ce dessein était impossible. M. Martel, agrégé à l’académie des

    108, édit. de Hollande. On marque que c’est l’extrait d’une lettre écrite de Montauban, le 12 décembre 1695. Il y a là une faute d’impression, 1695 pour 1694 ; et notez que ces paroles, l’année dernière, se rapportent, non pas à la date de la lettre, mais à celle du Journal.

  1. Là même, 1696, pag. 426, édition de Hollande.
  2. Là même, pag. 427.
  3. À présent doyen du présidial.
  4. Père de M. Campunaut, professeur royal en droit.
  5. Il est professeur en philosophie. Voyez, tom. XII, pag. 616, la citation (132) de l’article Rorarius.