lieu, je puis dire que Xénophanes avait des principes qui l’engageaient nécessairement, comme je viens d’en donner les preuves, à tenir l’incompréhensibilité. Rapportons les vers où il déclare son sentiment.
Καὶ τὸ μὲν οὖν σαϕὲς οὔτις ἀνὴρ ἴδεν, οὐδέ τις ἔςαι
Εἰδώς, ἀμϕὶ θεῶν τε, καὶ ἄσσα λέγω περὶ πάντων.
Εἰ γὰρ καὶ τά μὰλιςα τύχοι τετελεσμένον εἰπὼν
Αὐτὸς ὅμως οὐκ οἶδε, δόκος δ᾽ ἐπὶ πᾶσι τέτυκται.
Nullus apertè vir seit, sed neque vir sciet unquàm
De Diis et cunctis à me quæ dicta fuerunt.
Namque licet sit perfectum quod dixerit ille,
Ille tamen nescit, cunctis, et opinio in his est [1].
On voit manifestement dans ces paroles
que Xénophanes déclare que
personne ne peut parvenir à la connaissance
claire et certaine de la vérité ;
et qu’encore qu’un homme rencontrât
la vérité, il ne pourrait point
savoir qu’il l’eût rencontrée s’il n’y a,
continue-t-il, que des opinions à attraper
sur toutes choses, Sextus
Empiricus [2] le met nettement
parmi ceux qui nient qu’il y ait un
criterium veritatis, où une règle, ou
une mesure de la vérité. J’avoue qu’il
n’adopte [3] le sentiment de
ceux qui le mettent au nombre des
acataleptiques ; mais il lui attribue
pourtant d’avoir cru qu’on ne comprenait
jamais les choses jusques au
degré de certitude qui fait la science,
et qu’on ne parvient jamais qu’à des
jugemens de vraisemblance ou de
probabilité. N’est-ce pas au fond
soutenir l’acatalepsie, où la nature
incompréhensible des choses ? Φαίνεται
μὴ πᾶσαν κατάληψιν ἀναιρεῖν ἀλλὰ
τὴν ἐπιςημονικήν τε καὶ ἀδιάπτωτον·
ἀπολείπειν δὲ τὴν δοξαςήν. Τοῦτο γὰρ
ἐμϕαίνει τὸ, δόκος δὲ ἐπὶ πᾶσι τέτυκται᾽
ὥςε κριτήριον γίνεσθαι κατὰ τοῦτον τὸν
δοξαςὸν λόγον, τουτέςι τὸν τοῦ εἰκότος,
ἀλλὰ μὴ τὸν τοῦ παγίου ἐχόμενον. Videtur
non omnem tollere comprehensionem,
sed eam quæ est ex scientiâ,
et quæ non potest aberrare. Relinquit
ergò opinabilem, hoc enim indicat
illud cunctis et opinio in his est : quo
fit ut ex ejus sententiâ id quod judicat
sit ratio opinabilis, hoc est ratio ejus
quod est probabile, non autem ea quæ
sequitur id quod est firmum ac stabile
[4]. Je ne vois donc pas que
M. Ménage ait eu beaucoup de raison
de dire que Sextus Empiricus est
favorable en cet endroit-ci à Diogène
Laërce contre Sotion [5]. Et ce qui
m’empêche d’autant de voir cela est
que ce docte commentateur venait
de dire que Cicéron et Origène favorisent
Sotion [6] : Sotioni ad stipulatur
Cicero in Lucullo : Parmenides,
Xenophanes, minùs bonis quamquam
versibus, sed tamen illis versibus,
increpant eorum arrogantiam quasi
irati, qui, cùm sciri nihil possit,
audeant se scire dicere. Item Origenes
in Philosophicis : Οὗτος ἔϕη πρῶτος
ἀκαταληψίαν εἶναι πάντων, εἰπὼν οὕτως·
Εἰ γὰρ καὶ τὰ μάλιςα τύχοι τετελεσμένον εἰπών,
Αὐτὸς ὅμως οὐκ οἶδε, δόκος δ᾽ ἐπι πᾶσι τέτυκται.
Quant à la question particulière si ce
philosophe est le premier qui ait tenu
pour l’incompréhensibilité, comme
Sotion l’assure, il y a plus de sujet de
demeurer en suspens, puisque Platon
dit qu’avant Xénophanes d’autres
avaient cru l’unité de toutes choses
[7] : dogme qui me paraît être le
grand chemin de l’incompréhensibilité,
Rien n’est plus curieux que les
vers de Timon rapportée par Sextus
Empiricus [8]. Je ne sais pourquoi
les interprètes n’ont pas traduit en
latin cet endroit-là.
Les raisons qui conduisirent Xénophanes à l’unité de toutes choses sont apparemment les mêmes qu’Aristote donne à Mélissus et à Parménides [9]. Elles paraissent assez subtiles, quoique, selon la propriété des grands génies, Aristote les ait rapportées un peu obscurément, parce qu’il affectait d’être court. Ce sont sans doute des sophismes, aussi-bien
- ↑ Xenophanes, apud Sextum Empiricum adversùs Mathematicos, pag. 146, 157, 280. Voyez aussi Plutarque, de audiend. Poët., p. 17, E.
- ↑ Ibid., pag. 146.
- ↑ Ibid., et pag. 156, 157.
- ↑ Xenophanes, apud Sext. Emp. adv. Mathem. pag. 157.
- ↑ Menagius in Diogen Laërt., lib. IX,' num. 20.
- ↑ Menagius, ibid.
- ↑ Plato, in Sophistà, pag. 170.
- ↑ Sextus Empiricus, Pyrrhon. Hypotypos., lib. I, cap. XXXIII, pag. 46, edit Genev., 1621.
- ↑ Aristoteles, Physicor. lib. I, cap. III.