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ZUÉRIUS.

cet ouvrage n’a point paru. ] Valère André a eu tort de mettre dans le catalogue de Boxhornius, Bibliothecam eruditione ac scriptis illustrium Fœminarum ; et sans doute c’est lui qui est cause que bien des gens s’imaginent, et publient même que Boxhornius a mis au jour ce curieux écrit. Voglérus l’assure aussi fermement que s’il avait lu le livre [1], et n’en est point censuré par Meibomius [2]. Ce qu’il y a de certain, c’est que Boxhornius a eu ce projet en tête : il avait de bons recueils sur ce sujet, il en fit offre à Isaac Pontanus [3], qui roulait dans son esprit une pareille entreprise [4] ; mais si vous n’y songez plus, ajouta-t-il, et si vous voulez me transférer cette commission, je vous supplie de m’envoyer vos mémoires. Ernest Brinchius lui avait communiqué une liste de femmes savantes. Velim nobili viro Ernesto Brinchio gratias meo nomine agi, ob transmissum syllabum eruditarum fœminarum. In quarum gratiam bibliothecam meam, et amicorum scrinia nuper excussi. Deprehendi autem non pœnitendum earum numerum, quæ vulgò ignorantur. Si tibi animus sit pergere in eo, quod aliquando cœpisse te intelligo, lubens qualiacunque mea transmittam, sin verò tibi visum lampada mihi tradere, ut tua non deneges, unicè rogo. Je dirai par occasion qu’un carme français, nommé le père Jacob, avait composé un semblable livre : quantité de gens le citent et y renvoient ; et néanmoins il n’a jamais été imprimé, et ne le sera jamais, car le manuscrit s’en est perdu [* 1].

(K) Quelques-uns ont voulu dire qu’on fut fâché en Hollande, etc... ] C’est Sorbière qui écrit cela à M. Patin ; voici ses paroles : « Je vous ai envoyé un petit livre assez curieux, Commentariolus de Statu Provinciarum fæderati Belgii, de la publication duquel on a été fâché en ces provinces, pour ce qu’il donne une idée fort nette du gouvernement de cette république, et que cela devait demeurer inter arcana imperii. Boxhornius avait dressé ce Commentaire pour ses écoliers en politique, et le leur avait dicté en particulier : mais le secret a été éventé, et il s’en est fait tant de copies, qu’enfin un libraire l’a mis sous la presse sans y mettre son nom ; et l’édition a été plus tôt vendue qu’on n’a eu le loisir de s’en formaliser [5]. » Je ne sais pas trop si Sorbière a eu raison de parler ainsi : mais je sais que ce petit livre fut imprimé à la Haye, chez Jean Verhoeve, en 1649 et en 1650, et que l’édition de l’an 1650 fut revue et augmentée. Il s’en fit d’autres éditions : j’ai vu la sixième, qui est de la Haye, chez Adrien Vlacq, en 1659.

(L) Il était... si basané qu’on le prit un jour pour un Espagnol. ] Ce fut en 1637, lorsque la garnison espagnole sortit de Bréda, selon la capitulation. Boxhornius qui était au camp du prince d’Orange, et qui voyait passer cette garnison, entendit un soldat hollandais qui le prenait pour un Espagnol : Vous vous trompez, lui dit-il, ne jugez pas de moi par mes cheveux et par ma mine ; si vous connaissiez ma candeur d’âme, vous ne douteriez pas que je sois un bon Hollandais. Si j’en avais la puissance je donnerais tout à l’heure la fièvre au roi d’Espagne, et je l’attacherais au lit de si bonne sorte, et lui ferais tant de peur, qu’il cesserait d’attaquer injustement notre liberté. Ceux qui aimeront mieux lire le latin de l’original seront bientôt satisfaits. Statura corporis ipsi fuit longa et erecta, et quam cum subfuscâ facie crines efficiebant qualemcunque deformem ; nigredinem eam candore animi sui albicantem reddere solebat.Undè cum Bredâ captâ inter exeuntium Hispanorum spectatores et ipse esset,

  1. * Joly dit ne connaître aucun auteur qui renvoie à ce livre ; mais il rapporte ce qu’en dit Colomiés, à qui le père Jecob le fit voir. Joly dit, au reste, que le manuscrit n’était pas perdu de son temps ; l’abbé Bonardy l’avait lu imparfait aux carmes de la place Maubert, à Paris ; et les carmes des Billettes, dans la même ville, avaient promis de le lui montrer entier.
  1. Similiter planè ad nostrum institutum deditaque opera id argumentum egregiè tractavit Marcus Zuerus Boxhornius edita Bibliothecâ Eruditione ac Scriptis illustrium Fæminarum. Voglerus, Introduct. univers., in Notitiam Scriptorum, cap. XXVII, page m. 113.
  2. Il publia ce livre de Voglérus avec des notes et des additions, l’an 1691.
  3. Epistol., pag. 137.
  4. Ibidem, pag. 120.
  5. Sorbière, lettre LXIII, page 438.