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ZUÉRIUS.

libertatem vendere est : une rente bien payée ne permet pas que l’on dise ce que l’on pense.

(O) Quelques savans d’Allemagne.... ont remarqué beaucoup de fautes dans ses ouvrages. Il ... résolut de se venger par une satire. ] On voit cela dans une lettre de Rupert à Réinesius. Videtur Boxhornius nimiùm tribuere ingenio suo, et ante tempus togâ brachium exerere. Quum olim vidissem Florum ejus, occurrebant multa valdè putida ; quæ privato studio notata, sed posteà nescio quâ fraude in vulgus sparsa, in ipsius Boxhornii manus venisse dicuntur. Etiam satyram, ut audio, minatus est in litteris ad quendam Dresdensem ; quasi pro meis agnoscere debeam universa, quæ inimica manus transmisit : Vivimus enim hic in viperinâ societate. Sed quicquid velit, agat, et typographicâ tubâ, proprium dedecus insonet in eruditas aures : ego nullus trepido, quamvis illud poetæ insusurrare quispiam possit :

Occursare Capro, cornu ferit ille, caveto [1].

Réinesius, dans une lettre à Hoffman, s’est servi de ces paroles : Tragocerotem Batavum qui nescio quid Ruperto nostro minatus fuerat, confidentissimum criticum esse et in antiquitate videre præ calore parùm, ostendem ex ejus Quæstionibus romanis, ubi circa Inscriptiones non-nullas pueriliter hallucinatur [2]. Voyez aussi la XXVIIe. lettre du même Réinesius [3] : on y traite Boxhornius avec beaucoup de mépris.

(P) .......... ] Puisque l’occasion s’est présentée de parler de cette dénonciation de la nouvelle hérésie touchant la haine du prochain, je ferai ici une digression qui me parait importante [* 1]. Je suis persuadé qu’un compilateur de faits manque à son devoir lorsqu’il néglige d’attirer l’attention de ses lecteurs sur les accidens qui ont quelque singularité. Or il n’y a rien de plus capable d’attirer cette attention que la peine que l’auteur se donne de réfléchir sur ces accidens, et d’y observer les endroits qui font connaître les passions les moins communes. Tout cela fournit au lecteur une ample matière de méditer, et l’art de juger de l’homme, et d’éviter les surprises d’une téméraire crédulité.

C’est ce qui m’engage à faire ici quelques remarques sur les suites de la dénonciation ; et comme la plupart de ceux qui liront ceci ne sauront point la teneur de cette feuille volante, et ne pourront plus trouver chez les libraires un écrit de cette nature, il faut que le fondement de ma digression soit un précis de ce petit imprimé.

Le dénonciateur fait deux choses. Premièrement il rapporte la doctrine qui avait été prêchée, et en second lieu il en montre les conséquences pernicieuses.

Il prétend que la doctrine de M. Jurieu, le ministre dénoncé, revient à ceci : I. Que les sentimens de haine, d’indignation et de colère, sont permis, bons et louables contre les ennemis de Dieu, c’est-à-dire, comme il l’a expliqué lui-même, contre les sociniens et les autres hérétiques de Hollande, contre les superstitieux, les idolâtres, etc. II. Que l’on doit témoigner ces sentimens de haine et d’indignation en rompant toute société avec ces gens-là, en ne les saluant point, en ne mangeant point avec eux, etc. III. Que ce n’est point seulement les hérésies et les mauvaises qualités de ces gens-là qu’il faut haïr ; mais qu’il faut haïr leur personne et la détester. Une des objections qu’il s’est faites et qu’il a rejetées avec des airs les plus dédaigneux, est celle qui porte qu’il faut faire la guerre à l’erreur et au vice ; et avoir néanmoins de la charité pour la personne du pécheur. Après ces propositions générales où l’on réduit la doctrine du dénoncé, on l’accuse en particulier de s’être objecté l’histoire ou la parabole du Samaritain, l’exemple de Jésus-Christ, qui conversait avec les gens de mauvaise vie, l’ordre qu’il vous donne d’aimer nos ennemis, de servir ceux qui nous maudissent, et de prier pour ceux qui nous persécutent, et en général

  1. * Joly blâme fortement cette longue sortie contre Jurieu ; il ne parle pas de l’acharnement de Jurieu contre Bayle, qui doit pourtant être mis dans la balance.
  1. Epist. XXI Reinesii ad Hoffmanuum et Rupertum, pag. 64, 65
  2. Ibidem, epistolâ XXVI, pag. 99.
  3. Ibidem, pag. 111.