tout ce que l’on a coutume de représenter au peuple chrétien lorsqu’on veut le faire renoncer à l’esprit vindicatif : on accuse, dis-je, le ministre de s’être objecté toutes ces choses, et de s’être moqué de ces objections. Il a prétendu qu’on n’entend point ces passages, et il en est venu jusques à dire que les sermons de Jésus-Christ sur la montagne sont une parole dure qu’il faut nécessairement adoucir en les prenant, non à la lettre, mais dans un sens figuré ; et que par les persécuteurs pour lesquels le fils de Dieu nous commande de prier, il ne faut point entendre ceux qui persécutent l’église, mais les ennemis particuliers et personnels que l’on peut avoir dans le lieu de sa résidence : qu’au reste, on peut satisfaire au commandement de bénir ceux qui nous maudissent, pourvu seulement qu’on leur souhaite les biens spirituels, encore qu’on haïsse leur personne et qu’on leur souhaite des maux temporels. Là-dessus apostrophant ses auditeurs il leur a déclaré qu’ils pouvaient et qu’ils devaient haïr le roi de France et lui souhaiter du mal : non pas, ajoutait-il, à cause qu’il vous a ôté vos biens, mais à cause qu’il persécute votre religion.
Voilà les dogmes que l’on impute au dénoncé : je me suis servi des propres termes du dénonciateur dans toute leur étendue, parce que je craignais qu’un abrégé ne fût pas assez fidèle. Vous avez là son premier point ; on vous va donner le second.
Le dénonciateur ayant exposé l’hérésie qui avait été prêchée exhorte vivement les pasteurs et les consistoires à la censurer ; et, pour les y animer davantage, il leur montre les suites funestes qu’elle peut avoir si elle demeure impunie. Il leur représente l’ascendant de M. Jurieu sur les peuples, et la facilité avec laquelle on se laisse persuader ce qui flatte nos passions ; et il ajoute que la plus forte et la plus naturelle passion du cœur humain est celle de la vengeance et de la haine de ses ennemis ; que rien n’est si dur à notre nature corrompue que de ne pouvoir pas en bonne conscience vouloir du mal à ceux qui nous ont tourmentés pour la religion ; que ce serait une consolation extrême pour un homme qu’un prêtre ou qu’un capitaine de dragons a persécuté pour le faire aller à la messe, que de pouvoir sans scrupule lui souhaiter la peste, la gravelle, la faim et les galères, etc., et l’accabler de malédictions et d’injures ; et que rien n’est plus gênant que les traités qu’on a coutume de lire pour se préparer à la sainte cène, où l’on trouve que l’on communiera à sa damnation si l’on se présente à la table du Seigneur le cœur gros de ressentiment et de haine contre qui que ce soit. Voilà, continue-t-il, M. Jurieu qui vient ôter tous ces saints scrupules. Il permet [1] de communier le cœur plein de haine, et d’une bouche qui fulmine des malédictions contre ceux qui ont persécuté les réfugiés. Il veut que nous les haïssions, et il nous défend de leur souhaiter les biens temporels. Le dénonciateur prétend que, selon ces dogmes, il ne serait pas permis de procurer les biens temporels aux persécuteurs, et que l’on ferait très-mal de les secourir dans leurs maladies, d’aider à éteindre le feu dans leurs maisons. Il exhorte nommément le synode des églises wallonnes [2] à prévenir les mauvaises suites de ces faux dogmes ; il leur représente plusieurs raisons qui les y doivent porter ; et il leur dit, entre autres choses, que la prospérité de l’état est incompatible avec l’hérésie dénoncée : car que serait-ce, dit-il, si les réformés ne voulaient ni saluer ceux qui sont d’une autre religion, ni manger, ni négocier avec eux ; que serait-ce s’il leur était permis et louable de haïr la personne de tous les papistes, de tous les arminiens, mennonites, etc., et s’ils n’étaient obligés par l’Évangile qu’à leur souhaiter les biens spirituels, sans être obligés de leur procurer aucun bien temporel, de les tirer d’un fossé, si on les y voyait plongés, de leur donner l’aumône ; si on les voyait dans l’indigence ? Ce pays pourrait-il prospérer selon de telles maximes ? Au reste, il déclare qu’il ne demande pas que le synode ajoute foi à sa