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DISSERTATION

rets avance que c’est un écrivain inconnu ; la chose est néanmoins connue de beaucoup de gens. Puto scripsisse me antehàc auctorem Junii Bruti esse Philippum Mornæum Plessiacum, editorem Ludovicum Villerium, Loiselerium. Repeto id quia ignotum esse scriptorem dicit Maresius, cùm plurimis ea res nota sit : et idem Plessiacus testamento generos et amicos suos hortatus sit, arma ut sumerent, si edicta à Rege non servarentur [a]. Dans une autre lettre [b] il parle d’un écrivain allemand nommé Rusdorf, qui a cité Junius Brutus sous le nom de Mornai. Les imprimeurs ont bronché là, car au lieu de mettre, Rusdorfius in Defensione Causæ palatinæ, ils ont mis, Causæ politicæ.

Il est certain que des Marets, en répondant à l’Appendix de Grotius, l’an 1642, soutint toujours que Junius Brutus était un homme inconnu, obscur, et dont aucun réformé ne vaudrait soutenir l’ouvrage, et ne avait jamais loué ni approuvé. Il s’avança même jusques à dire que c’était peut-être un papiste, comme le roi Jacques l’avait soupçonné, qui avait publié cet ouvrage sous le masque d’un protestant, afin de rendre odieuse la religion réformée. Quid quæso ille ipse Junius Brutus quem nobis exprobrat (homo anonymus, obscurus, ignotus, cujus scriptum privatâ emissum autoritate reformatorum nemo tueri velit [c] ; … Junius Brutus quisquis ille sit [d]. Nobis multo orimini dandum quod quæ secùs quàm par esset ille (Junius Brutus) scripserat, homo à nemine nostrûm neo laudatus, nec approbatus, Boucherius ex malis pessima fecerit et in virus transmutârit [e]...., Qui verò posses conferri Junius Brutus, qui sine autoris nomine, sine ullâ approbatione prodiit, fortè etiam conficius ab aliquo pontificio in odium reformatorum, ut suspicabatur rex Jacobus, cum hoc Santarelli Tractatu, etc. [f]

M. Rivet, en répondant au livre posthume de Grotius, dit bien qu’on ne saurait donner des preuves de ce qu’on avance contre M. du Plessis ; mais qu’en cas qu’il fût l’auteur de Junins Brutus, il faudrait avoir égard et à son âge et à la condition du temps, c’est-à-dire l’excuser sur sa jeunesse et sur les horribles persécutions que les protestans essuyaient alors [g]. Il s’ensuit de là que si M. Rivet n’avoue pas que Junius Brutus soit le masque de M. du Plessis Mornai, il ne le nie point non plus : ce qui montre qu’il penchait plus à le croire qu’à ne le pas croire. La seule chose qu’il affirme bien nettement, c’est que le livre fut imprimé hors du royaume, durant le feu des persécutions et des massacres, lorsque M. du Plessis était fort jeune. Mais cela montre clairement que M. Rivet n’était pas initié au mystère, et qu’il ne savait guère mieux que d’Aubigné la

  1. Grot. Epist., pag. 949.
  2. La DCXLV de la IIe. partie.
  3. Sam. Maresius, Antichr. revel., lib. I, pag. 336, 337.
  4. Idem, ibid., lib. II, pag. 50.
  5. Idem, ibid, pag. 52.
  6. Idem, ibid., pag. 61.
  7. Rivet., Operum tom. III, p. 1163.